Une tristesse infinie. C’est ce qui m’habite quand je pense à cette histoire des deux frères retrouvés morts, le décès du premier entraînant le décès du second, incapable de subvenir à ses besoins de base.
Triste, mais aussi dubitative. En écoutant les reportages et surtout l’entrevue donnée par Paul Brunet à RHR ce matin, des questions me sont venues à l’esprit. On pourrait croire que dans l’anonymat des grandes villes, ce genre de drame s’explique. On ne connaît pas ses voisins, on ne leur parle pas, on ignore tout de leur vie. Mais dans un petit village ou tout le monde se connaît? Et puis, même si la dame du CLSC voulait faire quelque chose, le « refus de traitement » existe. Même quand on doute que ce soit la bonne décision. Ne reste alors que la surveillance discrète de l’entourage.
J’ai de bons rapports avec mon voisinage immédiat. Ma voisine préférée a déménagé cet été, et nous sommes allés nous présenter aux nouveaux arrivants. Je n’en suis pas encore à un degré d’intimité avec eux qui me permettrait de faire ce que je faisais avec J., c’est à dire de lui emprunter sa voiture en cas d’urgence, de patauger dans la piscine ou de partager un verre de rouge. Mais j’ose espérer que nous en viendrons à pouvoir nous inquiéter mutuellement si je ne vois pas de mouvements chez eux pendant quelques jours et qu’inversement, ils viendront vérifier si nous semblons trop tranquille.
Pour moi, tout cela va de soi. Mais je réalise que ce n’est pas le cas pour tous. Et loin de moi l’idée de jeter la pierre aux voisins des frères décédés. Ce n’est pas vrai que la localisation géographique rend les gens plus près les uns des autres. Et certains ont probablement de bonnes raisons d’être méfiants et de ne pas s’ouvrir aux autres. Mais cela aussi est d’une infinie tristesse…
À une époque ou nous avons tous, semble-t-il, beaucoup de droits et très peu de responsabilités, je crois profondément que nous avons une responsabilité collective à l’égard des uns et des autres. J’ai envie de croire que le fait de m’inquiéter de mes voisins sera réciproque, à condition que je ne sois pas une vieille chipie. J’ai envie de croire que la notion de communauté existe encore. J’ai besoin de sentir que j’appartiens, et pas seulement en pensée, à une collectivité composée d’humains qui, comme disent les anglais, « care ».
Suis-je trop idéaliste?