Ces jours-ci, tout est urgent. Tout est exacerbé. Tout est… trop. Ouais, juste trop.
Test ultime hier: nous sommes en réunion – communément appelée journée organisationnelle. Après 4 mois dans mon nouvel emploi, il était temps de faire le point en équipe, de revoir nos priorités et d’établir des règles du jeu claires. À l’ordre du jour, notamment, le plan de gestion de crise en cas de pandémie de la grippe du code postal.
Comme nous étions à parler de ce dossier en équipe, j’ai commencé par dire que ma position en était une de risque minimum: tu fais de la fièvre, tu te sens grippé, tu as des enfants qui sont malades? Tu restes à la maison. On va équiper tout le monde avec le système de gestion de dossiers à distance. Tu peux travailler de la maison? Tu le fais. Et je n’irai pas vérifier personnellement si tu mouches vraiment et si tu te tousses les poumons hors de la cage thoracique. Bref, on ne met pas les collègues ou les clients en danger. Oui, j’ai fait provision de Purell. En cas de pandémie, on aura aussi des masques disponibles. Mais pour l’instant, pas de mouvement de panique.
Mes gens sont des professionnels. Ils ne profiteront pas d’une pandémie pour se pousser au soleil, prétextant qu’ils sont malades. J’ai donc eu une discussion avec la grande boîte: dans la vraie vie, s’il y a effectivement une pandémie, personne ne sera en mesure de tester tous les malades. Alors exiger un papier médical relève du wishfull thinking, à mon avis. Tout autant que d’exiger un certificat de retour au travail… Les médecins ne s’entendent pas sur la durée de la contagiosité de la maladie… Et puis, entre vous et moi, la H1N1 ou une grippe ordinaire, who cares? T’es malade, tu restes à la maison!
En plein milieu de l’avant-midi, un coup de fil: une employée, malade, arrive de chez le doc. Elle est en pleurs, paniquée. Le médecin lui a parlé de potentielle H1N1. Elle était au bureau, mercredi. Fièvreuse. Elle a peur d’avoir contaminée tout le monde. Hum. Je serai donc la bêta testeuse du plan de contingence…
D’abord, la rassurer elle. Elle est dans le stationnement de la clinique, incapable de rejoindre son conjoint, inquiète pour ses enfants, inquiète pour elle, inquiète pour ses collègues.
Ensuite, voir avec la grande boite: avons-nous enfin des directives? Mouvement de panique à babord… Heu.. on est prêt. Enfin, on pense qu’on est prêt. Heu… c’est toi la gestionnaire, tu prends tes décisions de gestion. Tu assumes et tu nous tiens au courant. Heu… non, tu exiges un certificat. Heu… de maladie ou de bonne santé? Heu… Ouais. Je gestionne.
J’ai la totale: une employée enceinte, une autre dont le conjoint est en chimiothérapie, une dont la mère de plus de 90 ans a une santé plus que fragile, d’autres qui ont de jeunes bébés. Et pas de diagnostique clair: potentiellement, mais pas testé. Je fais quoi? Je me tais? Je parle, au risque de provoquer une panique? Gestionne, ma fille. Gestionne.
Nous aurons une position corporative, bien sûr. Mais en attendant, je gestionne. Avant d’aviser ma gang, j’ai pris le temps de réfléchir. J’ai d’abord géré ma propre panique: après ma double pneumonie de l’hiver dernier, j’ai pas envie de me taper une grippe. Deux grandes respirations plus tard, je me dis que les risques sont minimes, mais que même en prenant toutes les précautions du monde, si le virus décide de m’attaquer, je n’y pourrai rien. Fake…
J’ai ensuite indiquer à ma gang que leur collègue serait absente pour la semaine, et que son médecin lui avait dit qu’elle avait des symptômes s’apparentant à. Que pour le moment, il n’y avait pas de diagnostique, et que si je leur en parlais, c’est que je voulais qu’ils soient attentifs aux symptômes. Quant à l’employée enceinte, on lui a suggéré de contacter sa gynéco. Je leur ai transmis les liens internet des ministères de la Santé. Et nous avons en choeur pratiquer la chanson du lavage de main! C’est d’ailleurs devenu un running gag pour le reste de la journée: au moindre éternuement, c’était pause lavabo! Pas de panique, tout le monde a réagi en adulte.
En l’absence de diagnostique, aurais-je dû me taire? J’ai jonglé avec l’idée, mais je ne me serais pas sentie en paix avec moi-même si je l’avais fait. Tout est dans la manière d’aborder les choses. Au fond, c’était une bonne pratique…