J’écoutais ce matin l’entrevue qu’a donnée Monsieur Boisvenu à mon idole, RHM. En gros, monsieur Boisvenu, président de l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues, prône des méthodes plutôt drastiques à l’égard des criminels sexuels dangeureux et récidivistes: castration, lobotomie, etc. Il a fait état d’une étude américaine où des chercheurs en neurologie ont réussi à identifier la zone du cerveau responsable de l’agressivité et des pulsions sexuelles incontrôlables. Donc, si ces zones sont identifiées, suffit de les « éliminer » et on règle tout? On est en sécurité?
Troublant. A plusieurs niveaux. D’abord parce que, pour parodier Réno (ou Rona) « si ça existait, on l’aurait ». Il me semble que s’il était si facile d’identifier une zone cérébrale responsable, on aurait depuis longtemps recours à ce « traitement », nos voisins du Sud ne s’embarrassant pas beaucoup des questions ethiques à ce sujet. Or, des considérations éthiques, il y en a.
Que fait-on du droit à l’intégrité physique? Je sais, vous me direz qu’un pédophile récidiviste ou qu’un violeur a fait bien peu de cas de l’intégrité physique de sa victime. C’est pour cela que je suis troublée. Une partie de moi trouve inadmissible qu’on puisse penser à légalement caster ou lobotomiser un être humain. L’autre partie de moi, la mère, trouve le châtiment à la limite trop doux. Je sais que si quelqu’un s’en prenait à ma merveilleuse merveille, je serais sans pitié. La castration ou la lobotomie m’apparaîtraient comme des méthodes trop douces…
Et puis, scientifiquement, je suis peu convaincue qu’on puisse isoler une zone cérébrale et en faire l’unique responsable de comportements déviants. Mon amie le Dr Papillon pourra sans doute me renseigner là-dessus. Il me semble qu’il n’y a pas que des facteurs physiologiques, mais également une série de facteurs socio-économiques. Qu’on n’investisse pas assez dans la prévention, j’en suis. Mais la prévention ne donne pas de résultats immédiats et spectaculaires. Or, c’est semble-t-il ce que le bon peuple veut. Des résultats.
Je n’ai pas de misère à m’imaginer dans la peau de monsieur Boisvenu. Il a perdu sa fille dans des circonstances effrayantes. Il gueule, à bon droit, contre l’inaction des gouvernements. Il y a quelque chose de profondément indécent à ce qu’une famille victime d’acte criminel reçoive moins, financièrement, qu’une victime d’un accident de la route. Et on ne parle même pas du support psychologique. J’admire sa détermination et le sens de son combat. Mais en même temps, j’ai ressenti un malaise profond ce matin à l’écoute de cette entrevue.
Non, je n’aime pas l’idée qu’un criminel, bien qu’il ait purgé sa peine, soit remis en liberté parce que l’état ne peut pas faire autrement. Oui, comme bien d’autres parents, je serais paniquée à l’idée qu’il soit hébergé près de l’école que fréquentent mes enfants. Oui, je crois qu’à certains égards, nous sommes trop tolérants, trop « politically correct », trop judéo-chrétiens. Mais je ne peux m’empêcher d’y voir une possible déviation sur la vengeance extrême et surtout individuelle. Si, socialement, nous considérons ces individus comme irrécupérables, alors allons-y directement, remettons la peine de mort en vigueur. On va s’éviter des questionnements sur la possibilité de récidive et on économisera les sous que coûtent les séjours en milieu carcéral, la réhabilitation et les thérapies qui ne donnent rien, semble-t-il.
Je vous entends, là! Vous me dites: « oui, mais l’erreur judiciaire possible, tu n’y penses pas? Et si on zigouille un innocent? » Ben voilà! Et si on lobotomise un innocent? Si le neuro-chirurgien se trompe d’un millimètre et qu’au lieu de détruire la zone responsable des pulsions incontrôlables, on détruit autre chose et qu’on en fait un tueur en série?
Il n’y a pas de réponses faciles. Que des questions troublantes.