Depuis une heure, je suis assise dans MON fauteuil, à lire, à vous lire, à relire. Toute la journée, il a plu. Temps moche, pays de cul, disait mon Mammouth ce matin.
Je suis exténuée. Littéralement exténuée. Deux allers-retours à Québec cette semaine pour aboutir peut-être enfin sur l’objectif recherché. Un souper avec de folles copines, comme dans nos jeunes années, à se mettre du homard jusque là et du rosé par-dessus. Une soupe dans une chambre d’hôtel parce que trop fatiguée pour mettre le pied dehors. Des boîtes pour entreprendre ma nouvelle vie lundi prochain. Des dossiers à terminer, des suivis à faire, l’intention d’attacher tous les fils avant de quitter pour laisser la place en ordre.
Ce matin, très tôt, un petit mot d’une collègue sur le bébelleberry me remerciant de ma bonne humeur, de ma patience. J’ai répondu, en remerciant toute l’équipe que je quitte aujourd’hui, qu’il était facile d’être ainsi quand les gens avec qui on travaille ont le respect des individus et des choses bien faites. Que j’ai beaucoup appris à leur contact, tant sur les dossiers que sur l’esprit d’équipe. Et que je les laisse avec un réel pincement au coeur.
Une des réponses m’a touchée: mon adjointe, qui en a vu d’autres et qui prendra sa retraite l’an prochain, m’a remerciée de lui avoir prouvée qu’une gestionnaire femme, peut être plus humaine qu’un homme et obtenir autant sinon plus de résultats. Ça m’a fait réfléchir sur notre façon d’exercer l’autorité. Et sur mon évolution par rapport à mon style de gestion.
Quand je suis devenue « boss », j’avais eu la chance d’avoir eu de grands modèles de patronne différents. Une avait fait sa place dans un monde exclusivement masculin et gérait comme un gars. À la dure. L’autre, travailleuse sociale de formation, gérait comme une femme, mais malgré toute sa compétence, n’a pas toujours été reconnue publiquement à sa juste valeur. Une femme juste, exigente, mais toujours à l’affût de l’humain derrière le dossier. Les deux obtenaient des résultats, les deux ont su s’attacher leurs équipes.
Ces deux modèles m’ont inspirée, mais pas toujours au bon moment. Le stress, la pression d’être à la hauteur ont fait de moi une excellente « livreuse », mais une mauvaise gestionnaire à mes débuts. Et malheureusement, ce sont mes employés qui en ont souffert. Je ne le savais pas à l’époque, mais avec le recul, je réalise les erreurs. J’en suis désolée.
Ma patronne me disait que nous avons tous des styles d’apprentissage différents, qui peuvent se regrouper en trois grandes catégories. Pour bien illustrer, elle me faisait l’analogie avec le fait d’apprendre à naviguer sur un voilier. La première catégorie d’apprenants va tout lire, consulter des documents, visionner des films, bref se documenter avant même de monter sur le voilier, et ne le fera qu’en étant sûr de maîtriser la théorie parfaitement. La seconde catégorie va lire un peu, mais surtout engager un capitaine pour apprendre avec lui, sur le bateau, en se faisant guider. La troisième, dont je suis, va monter sur le voilier, se cracher dans les mains, se dire qu’on apprend en le faisant et qu’au pire, on se retrouvera dans la flotte. Sans veste de sauvetage, évidemment…
C’est ainsi que j’ai abordé la gestion des ressources humaines. Me suis retrouvée plus d’une fois la tête sous l’eau, à chercher mon air. Avec le temps, j’ai compris la nécessité de la veste de sauvetage, et j’ai développé ma capacité à naviguer en gardant l’oeil sur l’horizon.
J’en suis à me demander si vraiment les femmes « gestionnent » différement, ou si ce n’est pas que lorsque le métier entre, on le retient mieux? Vous en pensez quoi?
Je ne suis pas parfaite, et j’en ai encore à apprendre. Mais des témoignages comme ceux d’aujourd’hui, c’est un rayon de soleil sur du temps moche et gris. Comme celui qui vient de sortir dans la cour.