La maternitude

La maternitude, c’est la conjonction de la maternité et de l’inquiétude. Les deux étant, dans mon cas, indissociables.

Dès la conception de cette nouvelle vie, l’angoisse monte: aurais-je une grossesse parfaite? Mon enfant sera-t-il en santé? J’ai bu un verre de vin avant de savoir que j’étais enceinte, quels sont les risques qu’il/elle *André Boisclair, sors de ce corps!* soit atteint du syndrôme d’alcoolisme foetal? Pire, j’ai fumé pendant ma grossesse: ai-je conçu un futur asthmatique, voire un cancéreux en puissance? Quelle horreur: on m’a prescrit, ne sachant pas que j’étais enceinte, des anti-inflammatoires. En les avalant, ai-je modifié le code génétique de l’enfant à naître? Bref, pendant 9 mois, questions après questions, et en particulier pour l’hypocondriaque que je suis, c’est l’enfer. Mais ce n’est rien comparé à après.

Une fois née, ma merveilleuse merveille a été au centre de ma vie. Nommez-moi une mère qui ne vit pas dans l’angoisse de la mort subite du nourrisson? Montrez-moi une mère allaitante qui ne s’imagine pas manquer de lait? Bon, j’avoue. J’étais peut-être un peu excessive dans l’angoisse… m’enfin, on me dit qu’au deuxième, on ne s’inquiète que si « ça » saigne… Grandit-elle assez? Prend-elle assez de poids? Nous voilà à comparer les courbes de croissance avec toutes les nouvelles mamans du quartier, espérant secrètement avoir la « performante » de la semaine… Au premier rhume, on se voit déjà arpentant les couloirs de Ste-Justine. Z’auriez dû me voir brailler toutes les larmes de mon corps quand on a prescrit des pompes à ma merveille… jusqu’à ce que le bon docteur C. me dise de « crisser ça » aux poubelles!

On pense avoir survécu au pire après la première année. Erreur! Y’a l’entrée en garderie. Non, je ne vous raconterai pas. On en rit, après. Mais pas pendant. Pas du tout, même. Aucun humour là-dessus.

Vient le terrible two. Où on réalise que l’enfant qu’on a aimé au premier coup d’oeil d’un amour inconditionnel est un monstre. Oui, un monstre. Et c’est là que le premier vrai conflit nait entre les parents. Punir? Mettre en retrait? Ignorer? Céder? Pour moi, cette période a été très difficile. J’aime ma fille plus que tout. Je ne veux pas la traumatiser, l’insécuriser, en faire une enfant apeurée par l’autorité. Je ne veux surtout pas qu’elle ne m’aime pas. Mais, en toute honnêteté, je dois admettre que ma merveilleuse merveille a un caractère de cochon. Et que j’ai longtemps plié. Sans mammouth, je l’admets, j’aurais fait de ma merveilleuse merveille un enfant-roi détestable. C’est mammouth, qui au prix de nombreuses discussions et de larmes de ma part, a fini par me faire comprendre que c’était pour le bien de notre fille qu’il fallait tenir les cordeaux serrés.

Les années passent, les inquiétudes changent de nature. L’école, qui se profile à l’horizon, sera source de questionnement. Et les nouveaux amis. Et l’adolescence qui sera là, plus vite que je ne le souhaite. Et la conviction que malgré toute ma bonne volonté et mon amour, je ne pourrai la protéger de tout. Elle prendra sa première brosse et sera malade dans une ruelle, elle aura un premier vrai chagrin d’amour, une première job plate d’étudiante. Elle vivra sa vie. L’aurai-je équipé comme il faut?

Un long préambule pour vous dire que j’aime Boris Cyrulnik, et que j’ai particulièrement apprécié sa dernière entrevue dans l’Actualité. Le bonheur, ça s’apprend. Et ça s’apprend dans la confrontation avec le malheur. Essayer de « coussinner » ses enfants, c’est leur rendre un bien mauvais service. Le p’tit hamster dans mon cerveau en a pour quelques jours à pédaler…:-)

15 réponses sur “La maternitude”

  1. On ne peut pas s’empêcher de s’inquiéter quand la vie nous fait un de ses merveilleux cadeaux; un enfant, qui au tout premier souffle, dépend de nous.
    Une chose est sûre Marie Jo, tu es une maman fabuleuse et une femme oh combien ravissante…

  2. Juste quelques jours à pédaler pour le petit hamster? Dans mon cas, je sens que je n’ai pas fini de m’inquiéter pour ma progéniture. Même quand ils seront partis de la maison, je vais me démener en 4 pour qu’ils soient heureux.

  3. Bonjour Marie-Josée,
    Je suis une mère poule de 3 oeufs…pardon.. enfants et j’ai dû passer la moitié que dis-je, toute ma vie à m’inquiété…..
    Aujourd’hui mes enfants sont: le premier en appart, il a 21 ans, bon garçon mais n’est pas encore arrivé à bon port…enfin à celui où je voudrais qu’il accoste
    les 2 filles 13 et 15 ans; en bonne voie de construction mais c’est l’âge pas facile….le pire ? l’attitude souvent déplaisante sté quand t’aurais envie d’arracher (au figuré bien sûr…) une tête ou deux…. le détachement d’avec moi (ca me brise le coeur) mais je sais que c’est un mal nécessaire….
    Mais ce dont je suis le plus fière ? tous sont débrouillards, intelligents, allumés et savent qu’ils ne doivent pas aller au delà de certaines limites (on me dit souvent qu’ils sont bien élevés…) je crois que c’est parce que j’ai su mettre mes limites et les garder (le plus difficile !! ) bon courage…

  4. Lorsqu’avant d’avoir des enfants, je culpabilisais parfois de faire de monstrueuses grasses matinées, ma mère m’avait dit un jour : « dors ma fille, profite et ne culpabilise pas, lorsque tu auras mis quelqu’un au monde, plus jamais tu ne dormiras de la même façon. L’inquiétude sera toujours là, cachée quelque part, prête à surgir à tout bout de champ ». Et en riant elle avait ajouté « regarde moi, bientôt je me ferai du soucis pour mes petits-enfants ! Tu vois ça ne s’arrête jamais ! » Comme elle avait raison…

  5. Quel beau texte, plein de vérités.
    Personne me m’avait dit que l’angoisse nous tombait dessus comme une tonne de briques lorsqu’on devient parent et ça été tout un choc pour moi. Mes soeurs et amies m’avaient bien parlé de cet Amour I-M-M-E-N-S-E et I-N-C-O-N-D-I-T-I-O-N-N-E-L mais pas de cet angoisse si prenante.
    J’ai pensé pendant des mois que j’étais complètement fêlée, que c’était probablement parce que j’avais attendu l’arrivée de cet enfant si longtemps (4 années de veines tentatives + 3 années de démarches pour l’adoption). Et je me suis décidée à consulter une psychologue tellement j’étais angoissée… pour finalement réaliser que tous les parents sont comme ça! Mais pourquoi personne n’en parle ouvertement? Moi en tous cas, je ne me gêne pas pour le dire, pour aviser mes collègues enceintes de la surprise que j’ai eu. Oui être parent c’est extraordinaire mais c’est angoissant pour le restant de nos jours. Même notre amour-immensément-grand ne peut pas les protéger de tout, c’est une vérité à laquelle on doit faire face de façon… optimiste!

  6. Wow! Bienvenue aux nouvelles: ne vous gênez pas, on va se tasser pour vous faire de la place!
    @ Doussa, merci pour les compliments! Je ne suis pas parfaite, je ne prétends pas à la perfection, mais j’y mets tout mon coeur, à aimer ma gang!
    @Zigounette: j’essaies de donner quelques jours de répit à mon p’tit hamster, sinon je deviens folle! Sérieusement, l’article de Cyrulnik m’a habité pendant plusieurs jours
    @mère indigne: et pour tout le reste, y’a Mastercard! 🙂
    @elle aime: c’est ce qui est difficile, les limites. Ou en fait, la constance dans les limites, je dirais. Mais ça rassure de lire des commentaires comme le tien, qui m’encourage à persister dans cette voie.
    @mamouchka: tiens, ça me fait penser à mammouth. La veille de mon accouchement, il m’a embrassé en me disant « Dors bien, c’est la dernière nuit complète avant qu’elle quitte la maison pour avoir à son tour des enfants »… et il avait raison, l’animal!
    @mariéeobligée: personne n’en parle parce que dans la grande brume de la grossesse, y’a des vérités qu’on ne veut pas entendre! Tout comme celle de se dire que oui, il est possible de ne pas tomber en amour instantanément avec cette petite boule de chair toute gluante qu’on vous met sur le ventre, ou alors que c’est ok de ne pas trouver, dans les 4 premières minutes de sa vie que c’est la plusssss beau bébé du monde! Personnellement, je suis tombée en amour instantanément et oui, dans le cas de ma merveilleuse merveille, c’était le plussss beau bébé du monde, mais je m’étais préparée à l’éventualité… L’avantage de devenir mère à 40 ans. D’ailleurs, je devrais écrire un article sur l’idéalisation de la grossesse et de la maternité…

  7. Marie-Josée,
    J’ai justement dit à un ami dernièrement que j’envisageais d’ écrire un petit guide «Maman 101 ou tout-ce-qu’on-ne-vous-a-jamais-dit au sujet de la maternité», mais je serais heureuse si quelqu’unE le faisait avant moi!!!
    Surtout que moi, il y a une grosse étape de 9 mois – qu’on appèle grossesse dont je ne pourrais pas parler. Je disais souvent en riant «je suis une nouvelle maman avec un bébé usagé», certaines personnes trouvaient mon humour douteux pourtant, s’ils avaient vu comme ma petite a su s’adapter mieux que moi à sa nouvelle vie – ils auraient compris l’expression.

  8. Mariéeobligée: il existe une série de petits bouquins complètement délirant
    Grossesse: le guide des copines et Survivre à la première année. L’auteur, Vicky Iovine, donne un portrait très réaliste… et drôle à mourir. Elle a également une série sur Survivre à son « toddler », et se remettre en mouvement. Ils sont disponibles, en anglais seulement pour certains, sur Amazon.ca.

  9. Cela fait du bien de voir qu’on n’est pas seule à gamberger quant à ce qui peut arriver aux fruits de nos entrailles.

    Quand je regardais un film à la télé avant d’être mère, j’avais un pincement au coeur quand il arrivait quelque chose à un enfant, maintenant j’ai soit envie de vomir, soit je quitte la pièce avec une excuse bidon (verre d’eau, pipi n’importe quoi).

    Quant à la vie avec des terrible 2, je suis encore en plein dedans :-), alors j’écris des textes humoristiques que je mets sur mon blog afin de ne pas être tentée de mettre ma tête dans le four 😀

  10. Ah, la maternitude! J’en connais un rayon. D’ailleurs, on me dit que j’ai beaucoup trop d’imagination. Personnellement, je crois que j’ai surtout de l’expérience. Moi, je les ai arpenté les corridors de Ste-Justine et j’ai finis par connaître les infirmières de Soins intensifs par leur prénom…

    Pourtant, je garde toujours cette inexplicable confiance en la vie que tout finit par s’arranger.

    Pour ce qui est de l’autorité, la plupart de mes amis me trouve sévère avec les enfants, pourtant Jack Premier m’assure avec conviction que je suis la meilleure maman du monde 😉 N’est-il pas le meilleur juge?

  11. Bonjour !
    Moi je me débats actuellement avec mes couches-surprises-qui-débordent, mon petit coeur qui se fend à chq fois que je laisse ma Prunelle à la crèche, mes coups de stress (« c’est normal cette couleur de caca, là ? »)…
    Je stresse quand elle ne dort pas (elle a de la fièvre ? elle se sent pas bien ? elle ne se sent pas en sécurité avec moaaa ??), et je stresse quand elle dort (« Elle respire ? Ouf, elle respire. » 10 minutes plus tard: « Elle respire ? Ouf, elle respire »…).
    ETC, ETC…
    Bon, j’essaie d’en rigoler sur mon blog, ça détend ! Et puis si tu me dis que c’est normal….. 😉
    Bon, je te laisse, je vais vérifier si elle n’a pas trop chaud/froid/faim/mal/envie de dormir/etc/etc… 😉

  12. Je découvre ton billet via « mère indigne » – dont je suis, pour l’équilibre de mon enfant : tant mieux – et je reconnais tout à fait l’angoisse de la maternitude que tu décris et qui vient de la surinformation. En même temps, comme il y a autant de grossesses différentes que de femmes différentes, la réalité continue à nous prendre au dépourvu. C’est ce qui m’a inspirée ma série « Jeunes mères, futures mères : tout ce qu’on ne vous dit pas » sur http://lemondedejuliette.over-blog.net/5-categorie-703847.html (qui va même me servir de synopsis pour un futur guide psycho-humoristique : « Mon premier bébé sans stress »). Par contre, une fois l’enfant né, j’ai gagné une confiance en moi qui m’a rendue beaucoup plus zen, j’estime que je sais, je sens ce dont mon enfant a besoin…. et je me retrouve parfois dans des situations absurdes où c’est MOI qui rassure tout le monde quand mon gamin fait une poussée de fièvre. Et ce que j’ai aussi appris de ma petite expérience de trois ans de maternitude : c’est qu’on gagne d’un côté, ce qu’on perd de l’autre… C’est ce qui rend l’aventure si exaltante !

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