Moi, malade?

Je vous l’ai peut-être déjà dit, mais je suis un brin hypocondriaque. Un brin? OK, un gros gros gros brin. Heureusement, je suis rarement malade. Des rhumes rapportés par merveilleuse merveille ou par Mammouth, une infection urinaire par ci, par là, une migraine de temps à autre, mais rien de plus. Des malaises dûs au grand âge (les jointures moins souples, la descente de l’escalier le matin plus lente, les lunettes de lecture, etc). J’ai presque tous mes morceaux, à l’exception d’une vésicule qui a décidé un jour de ne plus fonctionner et qu’une habile chirurgienne a fait disparaître en deux temps trois mouvements. Malade, moi? Jamais. Enfin jamais ailleurs que dans ma tête.

J’hais ça, être malade. Me sentir diminuée, ne pas avoir d’énergie pour faire mes journées,  être sous la vague impression que mon cerveau s’est insidieusement transformé en jell-o, j’hais ça. Prendre des médicaments, ça m’énerve. J’ai déjà assez de contraintes sans en plus m’astreindre à avaler des grosses pilules à heures fixes. Je suis incapable de ne rien faire, de relaxer, de juste attendre que ça aille mieux. Mon côté p’tit caporal, sans doute. Mais là, mon p’tit caporal ne peut plus rien diriger. Il doit attendre.

Dimanche dernier, tannée d’un rhume qui n’en finissait plus de finir et de la sensation d’avoir un éléphant assis sur la poitrine, je me décide à aller voir le médecin du CLSC. Au triage, l’infirmière note mes symptômes, pose mille questions, hoche de la tête, écrit des trucs que je ne peux pas déchiffrer. M’envoie direct à la radio.  Ça y est, mon p’tit hamster part: c’est grave. Très grave. Ça doit hein? Sinon, elle m’aurait retournée dans la salle d’attente, en compagnie des dizaines de nez morveux et de chevilles foulées? Pourquoi directement à la radio? Pourquoi le technicien, au demeurant fort sympatique (ici, on note l’ironie et l’angoisse de la dame qui voit et interprète tout de travers), ne desserre-t-il pas les dents? Ça veut dire quoi ces « hum hum »… Retour à la salle d’attente et au café dégueu de la machine industrielle. Pourquoi, oh! pourquoi suis-je venue encombrer le système de santé alors que je ne vais pas si mal que ça? Pourquoi, oh! pourquoi tenter le diable et laisser la chance à ce médecin de me découvrir un cancer de la prostate? J’ai presque revu ma vie passer devant mes yeux, j’ai quasiment écrit ma notice nécrologique. Hypocondriaque, vous dites? À peine, je réponds. À peine!

J’étais sur le point d’aller indiquer à la préposée à l’accueil que je retournais à la maison quand ils ont appelé mon nom. Je suis entrée dans la petite pièce et j’ai attendu le gentil doc. Quand il a mis mes radios sur la plaque lumineuse, j’ai « vu » mon cancer. Si si, je l’ai vu. Enfin, je pense. Je me suis maudit d’avoir fumé toutes ces années, je m’en suis voulue de laisser un veuf éploré et une orpheline en larmes, je me suis demandé si mes papiers étaient en ordre. Quand le doc a commencé à parler, j’étais incapable de l’écouter. J’étais surtout incapable de déchiffrer ce grand sourire sur son visage. Me semble qu’on annonce pas une terrible nouvelle avec le sourire, non? Focus, ma fille. Focus!

« Vous auriez dû consulter avant, madame » – je le sais!

« Vous devez avoir une santé de fer pour être capable de fonctionner quand même.. » – ben oui, je voulais mourir en santé, tsé!

« Après une semaine d’antibio, ça devrait aller mieux. » – Est-ce que je vais perdre mes cheveux?

WO!!!! On perd pas ses cheveux avec les antibio! Focus, ma fille. Focus!

C’est quoi, déjà, ce brouillard sur les radios? Ha! Une double pneumonie! Fiou!!! C’est rien, ça. Ça se soigne! Ça rend malade, moche, sans énergie, mais on en guérit!

J’ai pris ma prescription, mon papier de congé de maladie et je n’ai pas osé lui demander s’il était sûr de son diagnostique. Je suis revenue, soulagée. Et songeuse.

Autour de moi, y’a plein de femmes qui ont chaque semaine des diagnostiques de cancer du sein ou du poumon. Un ancien collègue, plus jeune que moi, atteint de la maladie de Lou Gehrig (la SLA) dépérit si vite qu’il ne passera peut-être pas les fêtes avec ses fillettes. Je ne sais pas comment je réagirais si on m’annonçait que ce coup-ci, c’est mon tour d’avoir rendez-vous avec cette saleté. Mon père avait pris la nouvelle avec stoicisme, puis avec une grande sérénité. Je ne pense pas que je pourrais en faire autant.

J’ai oublié, ces derniers mois, d’être reconnaissante à la vie qui m’a envoyé des joies plus grandes que les peines. Qui a mis sur mon chemin des gens et des événements qui m’ont permis de m’épanouir. Qui m’a permis d’aimer et d’être aimée en retour. Et surtout, qui m’a donné une santé de fer.

Moi, malade? Si peu, finalement. Les antibio font effet (en fait, ils font effet incluant TOUS les effets secondaires inscrits sur le petit papier… ) et je prends des forces chaque jour. Aujourd’hui, merveilleuse merveille a soigné son rhume à la maison, et nous nous sommes fait de la tire sur la neige. Un pied de nez aux conventions, juste parce que. Parce que la vie.

3 réponses sur “Moi, malade?”

  1. Merci du Wake Up call, j’oublie effectivement souvent de remercier, ne serait-ce que pour ces quelques moments où un café ne se ramasse pas dans mon Mac 😉 Allez, on vous embrasse, mais comme en différé, genre dans 7 jours… (des 10 jours hein tes antibios?)

  2. @Djo: nah… pas forte. Inconsciente. Sur l’adrénaline. Folle. Tu choisis! 🙂
    @Martin: je termine dimanche. Mais on va attendre après la radio de lundi pour être sûre, ok? Entretemps, je les mets dans ma p’tite poche arrière, aucazou.

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