NDLR: J’aurais pu intituler ce billet « À soir, on pète une coche », mais c’est tellement dans l’air du temps de péter sa coche… pis ménopause oblige, chu trop fatiguée pour péter ma coche. Je vais juste faire une mini montée de lait, ok?
On fait dur, les Québécois. Ben dur, je trouve. Depuis hier, je lis avec stupeur les twits, les blogues, les textes d’opinion sur l’affaire « Cantat ». Savez, ce chanteur de Noir Désir, reconnu coupable d’avoir tué sa conjointe, l’actrice Marie Trintignant, meurtre crapuleux d’une rare violence, et qui pourrait participer à un spectacle ici, à Montréal, écrit par Wadji Mouawad.
Stupeur, parce qu’à quelque part, on disjoncte entre nos discours. Vrai, le gars est un criminel, un assassin, un écoeurant. Vrai aussi qu’il a été condamné, qu’il a purgé la peine et qu’il a été libéré. Techniquement, le gars est en réinsertion sociale.
Pourquoi on fait dur? On s’insurge. On le blâme de vouloir exercer son métier et on lève le nez sur ceux qui l’ont engagé. Des inconscients, des complices, des dégénérés, et j’en passe et des meilleurs.
Joblo a écrit un texte là-dessus. Je la cite:
Aller applaudir l’idole, c’est banaliser un geste irréparable au sens humain et au sens spirituel. Je pardonne à Martha Stewart, elle a payé sa dette, n’a tué personne, a fait une folle d’elle et a mangé du pain blanc tranché trois fois par jour dans une prison. Mais je ne pardonnerai JAMAIS à Cantat. Sa liberté est déjà un cadeau immense. Il aurait dû avoir la délicatesse (hum!) de se teindre en blonde, de changer de nom et de pays. Guy Cloutier, ça vous dit encore quelque chose? Et ce médecin à St-Jérome qui a commis l’infanticide sur ses deux jeunes enfants il y a deux ans? Aucun pardon pour moi. Et une réinsertion exige du doigté, de l’humilité, pas une parade d’ego sur une scène dans le rôle du héros repenti et du mâle purifié. Un rappel avec ça?
Pourtant, ceux qui hurlent ainsi sont aussi ceux qui crient haut et fort quand le gouvernement Harper veut augmenter les peines des jeunes criminels, qu’il renforce le côté « law and ordre », qu’il veut abolir le registre des armes à feu.
Vous me connaissez, je ne parle pas politique. Ou si peu. Et là n’est pas mon propos ce soir. Mais je me questionne. Peut-on être pour la réinsertion à deux vitesses? Bref, tu peux être réinséré si tu as fait un crime politiquement correct? Autrement, et comme on peut plus te pendre haut et court, prend ton trou et crève? Suis-je la seule à penser qu’à quelque part, c’est tordu?
Irais-je applaudir Cantat sur scène? Non. Pas à cause de son crime, mais parce que le propos ne m’intéresse pas. Mais j’ai de la misère à m’expliquer notre irritation « collective » et « épidermique » à des sujets qui, somme toute, relève de la saveur du jour twitesque.
Madamisation des médias, indignation cantatesque, même combat. On s’échange des twits, des statuts facebook, on cherche un blogue sur lequel on peut cracher son venin dans les commentaires. Pendant ce temps, y’a une campagne électorale avec de vrais enjeux, qui auront des répercussions sur notre avenir, et s’il pleut le 2 mai, on aura de la misère à aller voter, parce que « ça change rien anyway, man« .
Ouais, on fait dur. On s’en va à droite, mais on se réconforte en pensant qu’on est toujours à gauche. Mais c’est vrai que rendu au bout de la droite, t’es à gauche. Téka…
Merveilleuse merveille, maman va te raconter une histoire… Une fois, c’est une société qui voulait le beurre, l’argent du beurre, la vache dans la cour, la crémière et le cul de la crémière…
Et si on se confrontait à Cantat, parce qu’il est un des nôtres, plutôt que de trancher ? http://wp.me/pFoXu-9P
Je ne qualifierai pas cette sordide histoire, une dispute de couple aviné, entre une brute et une hystérique pour être un peu cru, qui a mal tourné comme on le sait, de « meurtre crapuleux, » car cela n’a rien d’un meurtre, « crime d’une personne qui a tué volontairement un être humain », et est encore moins de crapuleux, teinté de « mœurs dissolues ».
Rappelons que la justice a décidé qu’il s’agissait d’un homicide involontaire. Et juqu’à preuve du contraire, toute le laisse accroire.
Cela dit, je partage entièrement ton irritation. Heureusement qu’il y a des chroniqueurs de la société au Québec comme Marie-France Bazzo pour compenser les éructations de pitous réactionnaires et castrés comme Martineau et Lagacé, les deux derniers contribuant plus à la « madamisation » que la première de mon point de vue.
Laurent, tu vois, tu prouves mon point. La majorité des gens qui commente cette histoire ne connait pas les faits. Parce qu’il a battu sa femme, c’est nécessairement un crime crapuleux – peu importe les circonstances. La nuance ne fait plus partie des « considérant » de nos réflexions instantanées en 140 caractères 🙂
Cantat dans la « Triologie des femmes ». Voyons donc! Vincent Lacroix au Banquier ou Guy Cloutier au téléthon Opération Enfant-Soleil tant qu’à y être. Pousse mais pousse égal!
Là, je crois que vous êtes en plein délire de « bien-pensant »! Comparé Martha Stewart à Cantat, wow. Pourquoi pas Pee-wee Herman et Mario Pelchat!! Mais franchement. Homicide involontaire ou pas, il l’a tué!!
Ce qui m’irrite le plus c’est ce discours « bien-pensant », juste pour avoir l’air cool, différente, compréhensive, qui frise la condescendance. La réinsertion ne veut pas dire que vous pouvez faire comme si rien n’était arrivé, il y a des conséquences.
Vincent Lacroix, Earl Jones, Carole Morinville et tous ces autres fraudeurs qui ont été condamnés ne pourront plus JAMAIS s’occuper de l’argent des autres. Banni à VIE.
J’imagine que s’il ne peut pas entrer au Canada à cause de son dossier criminel vous allez demander au gouvernement de lui faire un passe-droit pour sa réinsertion.
« L’autopsie réalisée en France indique que l’actrice a été violemment frappée et secouée à plusieurs reprises et écarte implicitement la thèse d’une chute accidentelle. L’examen du corps relève de multiples traumatismes du visage, un oedème général du cerveau et une fracture des os du nez. »
Oui, à la réinsertion mais qu’il fasse comme les Lacrois, Jones et Morinville qu’il se trouve un autre boulot!
@Jonathan et Sylvain: mon point n’est pas d’excuser Cantat. Mon irritation vient plutôt du double discours que nous tenons comme société. Être pour la réinsertion, mais au cas par cas selon une échelle de valeurs qui nous est propre, c’est comme à être à moitié enceinte, selon moi: impossible. Non, je ne banalise pas le geste, et pour être claire, Sylvain, la comparaison avec Martha Stewart n’est pas de moi, mais de Joblo. Mon point était plutôt de souligner que, comme Québécois, on tient un double discours, et pas seulement sur le sujet. Cette affaire n’est qu’un exemple.
Mon point est également de dire qu’on s’énerve pour des tas de choses sur les médias sociaux, on se « spin » et se « surspin » sans aucun recul, sans réflexion aucune. Du commentaire gratuit. Je m’avoue coupable, puisque je blogue sur le sujet.
Ce qu’il y a de commun entre les « indignés », c’est la perte de confiance dans les institutions (justice…entre autres). 4 ans de prison, c’est trop peu pour un homicide. Comparaison tordue: certain de nos compositeurs prennent 8ans entre 2 albums!
La vie est comme un pendule…qui est allé trop à gauche. La réinsertion, je veux bien mais APRÈS la détention.
Laurent: vous avez une manière un peu désinvolte de banaliser la violence contre les femmes. Il l’a frappée et elle est morte. Involontaire ou non, il a été condamné et on ne peut dire que c’est une banale dispute de couple.
Aucun rapport avec ce que je pense du sujet.
Bravo pour essayer de ramener un peu de raison et de réflexion mais à lire les commentaires, je crois qu’il faudra attendre la prochaine saveur du jour…
@jcfortin: vous soulevez un point tout à fait valide. Mais que les sentences soient appropriées ou non est un tout autre débat, à mon point de vue. Le fait est que l’homme a été condamné, qu’il a purgé la peine imposée selon le système en place et qu’il doit maintenant vivre. On s’indignerait doublement si en plus, faute de pouvoir exercer son métier, il vivait aux crochets de la société. Le public le jugera encore plus sévèrement s’il ne peut plus vendre d’album et s’il boude ses spectacles.
«Pourquoi on fait dur? On s’insurge. On le blâme de vouloir exercer son métier»
On ne s’insurge pas parce qu’on est québécois….vous vous souvenez du film Aurore l’enfant martyr? L’actrice qui a joué ce rôle n’a pratiquement plus eu de contrat pour gagner sa vie après l’avoir joué.
Le méchant enfant blond dans Harry Potter, quelle est sa visibilité médiatique par rapport à Harry, Hermione et le rouquin?
Pourtant ce ne sont que des rôles…..Cantat a tué pour vrai.
J’ai un penchant pour la réhabilitation comme premier choix de réinsertion sociale…..quand cela est possible. Je ne connais pas son cas à Cantat. Mais il ne l’aura pas facile….et c’est normal. Il devra vivre avec son passé et faire face à la musique. (sans jeu de mot)
@Benoit: ouaip. Si seulement le CH pouvait gagner la première ronde éliminatoire, ça aiderait…:-)
@Danièle: Cantat vit déjà avec son passé, vous avez raison. Et au fond, qu’il vienne ou non ne change pas le fait qu’on est pas toujours cohérents dans nos indignations. Nous ne faisons plus de vrais débats de société, on twit notre pensée profonde en 140 caractères.
Je ne comprend pas ce lynchage collectif de quelqu’un qui a purgé sa peine, s’est maintes fois excusé et surtout les gens qui « JAMAIS ne pardonnerons à Bertrand ».
de un, le pardon, ça se passe entre une victime, l’entourage de la victime et l’intimé et son entourage.
de deux, la justice, pour qu’elle s’exerce doit fonctionner dans les deux sens. On ne peut pas d’un côté, demander des peines plus sévères, et de l’autre, lorsqu’elles sont infligées, continuer à lyncher les personnes inculpés.
de trois, des gens comme Bertrand Cantat, il en sort chaque jour de prison. On s’acharne sur une figure médiatique et je trouve ça très injuste envers lui.
de quatre, si c’était votre père ou votre frère, vous trouveriez la force de lui pardonner, et surtout, d’excuser son geste malheureux.
de cinq. tout ça vous regarde pas. il a un talent, et il a le droit de l’exercer.
arrêtons l’hypocrisie et le faux politiquement correct. un député du gouvernement Harper est un ex-criminel… Personne ne s’est jamais insurgé de la sorte pourtant.
Je n’aime pas Bernard Cantat et je n’irai certainement pas l’applaudir. Je ressens un malaise à imaginer sa présence sur scène au TNM. Au delà de toutes les considérations de réhabilitation ou autres, la question à laquelle je dois répondre est sur un plan éthique. Est-ce que la société peut exercer une censure sur une démarche artistique? Si l’objectif ne vise pas à nuire ou à susciter la haine d’autrui, ma réponse est non. L’art doit être un révélateur des contradictions d’une société et restreindre ce droit est nier le rôle de l’artiste. Que cela me plaise ou non.
Le pardon! Vertu phare des grandes religions mais un concept assez mal assimilé par les populations vertueuses.
Le pardon! Chemin semé d’embûches, nécessitant pour y aboutir, son lot de réflexions et d’ expériences. C’est un pensez-y-bien.
Le pardon! État de conscience rare.
Il est où le bouton «like»? Je partage aussi ces réflexions: http://www.voir.ca/blogs/tristan_malavoy-racine/archive/2011/04/06/vade-retro-bertrand-cantat.aspx
Eh bien, eh bien… T’attendais-tu à de telles réponses ?
En fait je m’explique difficilement pourquoi tout ce bruit. Ça va surement paraître très simpliste comme position mais il me semble qu’il serait possible que chacun se fasse un avis sur la question sans que cela devienne une affaire nationale…
J ‘ai, comme d’autres à ce que je vois et entends ces derniers jours, mon opinion bien personnelle sur la question mais, une chose est certaine cependant… L’expression « Parlez en bien, parlez en mal » n’aura jamais été aussi vraie!
« Mon irritation vient plutôt du double discours que nous tenons comme société. Être pour la réinsertion, mais au cas par cas selon une échelle de valeurs qui nous est propre, c’est comme à être à moitié enceinte, selon moi: impossible. »
http://jeanneemard.wordpress.com/2011/04/09/quand-cantat-et-ses-ti-namis-me-font-la-morale/
Je pourrais invoquer la même chose, on ne peut pas être à moitié contre la violence conjugale. On condamne totalement ou pas cette violence. Moi, je n’ai pas un double discours là-dessus…et vous?
@koval… On peut condamner la violence conjugale totalement, mais déplorer que nous tenons quand même un double discours. C’était le but de mon propos. Notre « politiquement correct » et notre réalité. Patrick Roy a aussi été pris en flagrant délit de violence conjugale. Et il est de retour derrière le banc d’une équipe de hockey, a été accueilli en héros au Centre Bell… Et je pourrais vous retourner la question: le fait de condamner la violence conjugale fait-il en sorte qu’on devrait rétablir la peine de mort?
L’exagération est de nous dire qu’on n’accepte pas la réhabilitation parce qu’on trouve l’idée sordide. C’est ma position c’est tout.
La peine de mort est une grave exagération….c’est charrier et désolant comme manque de nuance….il me semble qu’on peut être contre la venue de Cantat qui a tué sa femme dans une pièce où dénonce la violence faite au femme parce que cela constitue un affront pour plusieurs femmes.
M’enfin c’est ce que je tente d’expliquer dans mon billet.
Les sorties nous traitant de réactionnaires pour une prise de position assez normale m’énervent…ça me semble un jugement un peu rapide…
Roy n’a pas tué, et je ne sais même pas s’il a été trouvé coupable….anyway, ça ne se compare pas du tout.
M’enfin, je n’ai pas un double discours, pas plus que les pro-Cantat!
Ce que je déplore le plus dans ce genre de débat, ce sont les accusations entre les partisans des deux camps.
Quand deux valeurs comme la réhabilitation et la lutte contre la banalisation de la violence conjugale s’affrontent, la décision n’est jamais simple. Je n’ai rien contre ceux qui n’arrivent pas à la même conclusion que moi, tant qu’il ne m’abreuvent pas d’injures et ne me prêtent pas des intentions que je n’ai pas. J’en veux autant à ceux de mon camp qui agissent de même.
De la récupération, il y en a dans les deux camps. Récupération politique d’un côté et récupération masculiniste ou anti-féministe de l’autre. Et, peu importe de quel côté on penche, je crois qu’on pourrait s’entendre pour dénoncer les récupérateurs !
@Koval: je ne vous ai pas accusé de double discours, je me questionne. C’est donc qu’il y a une gradation dans la violence conjugale? Parce que dans ma tête, une baffe, c’est une baffe… la différence entre Cantat et Roy résiderait dans la gravité du geste? Pour moi, il n’y a pas de différence dans le geste ou même dans l’intention, mais dans l’aboutissement, et c’est pour ça que les tribunaux existent. On peut être en accord ou pas avec la sentence, mais c’est un tout autre débat.
Mon point n’est pas de créer une polémique sur la non-venue de Cantat. Mon point est plutôt de dire que dans toute l’exagération et la récupération @Darwin, je vous donne raison là-dessus!, on a souvent parler des deux côtés de la bouche, comme disait ma grand-mère 🙂
Marie-José
Je répète, je peux trouver ce choix grotesque et insultant pour plusieurs tout en étant très pro réhabilitation. Je vous invite à lire Bombardier que Darwin m’a pointée, si ça vous tente, elle invoque un point de vue très intéressant et nuancé, le concept de la traversée du miroir en art….un pari hautement risqué!
http://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/320748/au-nom-de-l-art
« Pour moi, il n’y a pas de différence dans le geste ou même dans l’intention, mais dans l’aboutissement »
Soyons pratiques et convenons que l’aboutissement réside complètement dans la force du geste! 😉
« Laurent: vous avez une manière un peu désinvolte de banaliser la violence contre les femmes »…
Hey, misère… Je ne banalise rien et votre observation est au cœur du débat, vouloir faire de cette affaire un symbole qui la dépasse. Un peu comme certains on fait de l’exploitation du drame à Polytechnique (personne ne fait le lien ?). Voilà Cantat qui fait concurrence à Lépine, dans une représentation archétype de la violence envers les femmes (mais pas encore de l’homme opprimé, dieu nous en préserve jusqu’alors).
Rappeler que la justice a conclu à un homicide involontaire et non à un meurtre, ce qui est un fait, ne revient en rien à banaliser quoique ce soit et à porter un jugement d’ordre général.