Je ne dois pas savoir comment m’y prendre. J’ai beau essayé, mais à chaque fois, je me réveille avec les Perséides et une enfant qui a pris une année de plus. Là, on s’approche dangereusement de la majorité. Alors peut-être que de l’écrire en franglais, ça m’apparaîtra moins pire. Moins réel. Et m’aidera à gérer l’impression que j’ai un peu failli à ma tâche de mère au cours de la dernière année.
Elle a été difficile, cette année. Pour nous comme pour toi. Mais toi, tu as assuré, comme une grande, avec une nouvelle maturité que la maudite maladie de ta grande sœur t’a imposée. Pris dans le tourbillon du diagnostic, des traitements, de l’angoisse que nous avons essayé de contenir, du travail qui a grugé plus que jamais toute mon énergie physique et mentale, du dur apprentissage lié à un nouveau défi professionnel, j’ai l’impression que pendant de longs mois, on t’a abandonnée à toi-même et à tes propres angoisses, non seulement pour ta sœur, mais pour ton avenir. Dur dur, en secondaire 3, de se voir « classée » dans une option qui pourrait ne pas te permettre de choisir un métier. Je les ai vu, tes larmes de colère mais aussi d’anxiété, quand tu nous tenais tête pour des devoirs non-faits. J’ai aussi vu ce magnifique sourire et cette fierté mal contenue le soir ou tu nous as montré le papier indiquant que tout n’était pas perdu! Évidemment, avec l’air de t’en « contresinciboiriser », parce que tsé, ça serait pas cool hein de se péter les bretelles… Pourtant, ma belle rebelle, moi je sais les efforts derrière.
Et puis, tu as déployé tes ailes. Avec l’école, tu as participé à un voyage culturel en Italie, et tu es revenue, me semble-t-il, différente. Moins sauvage, plus sûre de toi, je dirais même… civilisée. Ouais, civilisée. Tu as toujours été polie, mais là, y’avait comme une couche de savoir-vivre et de savoir être qui se sont superposées à ma rebelle.
Et y’a eu F. Un gentil garçon, bien élevé et tout et tout. C’est pas simple, maintenant, les relations. C’est pas ton chum, tu n’es pas sa blonde, et si vous étiez un statut FB, ce serait probablement « it’s complicated ». Pourtant, vous êtes tellement beaux à voir. Vous m’avez accompagnée lors d’une activité professionnelle, et je n’ai eu que des compliments à ton sujet. C’est vrai que tu es d’une beauté remarquable, et tu es de plus en plus consciente de ton charme. Tu en joues, un peu, mais c’est encore bien anodin. Et pourtant, ça me rassure. Tu as pris confiance en toi, mais tu connais les limites à ne pas dépasser. Enfin, je crois. Ou enfin, j’espère. Je t’ai laissé aller à Osheaga, et ton père n’a pas cessé de me répéter que nous pouvions avoir confiance en toi. Moi, j’ai confiance en toi, mais suis-je obligée d’avoir confiance aux 49 000 personnes sur le site? Là encore, tu as assuré. Tu nous a dit que tu avais pris une bière, une seule.
Je vais m’y faire, tu sais. Tu grandis, tu vieillis et moi aussi. J’ai moins d’énergie et j’ai encore des sources d’inquiétude. Mais pas à ton sujet. Nous avons essayé de te donner, ma toute belle, de solides bases. Tu es intelligente, mature, et tu es capable d’argumenter et de te défendre. Bien sûr, la partie n’est pas gagnée, et paraît qu’à fifetine, c’est une période charnière. Mais je suis confiante. Même l’estomac noué, même la tête pleine de questionnements sur ce que nous aurions pu, du, faire différemment, je suis confiante. Ou menteuse? Nah… je TE fais confiance.
Souvent tu me demandes si je t’aime. Je réponds en blaguant que ça dépend de l’heure. Mais tu le sais que je t’aime, inconditionnellement et pour toujours. Tu es ma perséide perso, ma toute belle rebelle.
C’est ta fête demain. Et oui, en demande spéciale, comme le veut la tradition familiale, je ferai le repas que tu as choisi. Du pâté chinois pendant une canicule? Aucun problème, ma choupinette. Parce que je t’aime.