Le droit de vote. Et autres.

Aujourd’hui, ma belle rebelle, tu as 18 ans. On se regardait, ce matin, ton père et moi, mesurant à quel point tout va vite. On s’est regardé, un peu incrédule. Et un peu – pas mal!  – fiers de la jeune femme que tu es devenue.

La dernière année a été particulière. L’étape du Cégep, où l’encadrement est minimal, la réalité de devoir gérer tes choses, ton agenda et puis cette saloperie de virus qui a chamboulé toutes nos vies.

J’avoues que je me suis demandée comment tu gèrerais le confinement. Tu nous sais plus fragiles, plus à risques. Tu as accepté les règles du jeu pour nous.  N’empêche, ne pas voir tes amies, rester à la maison, ne pas sortir sauf pour quelques promenades autour du bloc, c’est beaucoup demandé à une jeune adulte en pleine forme. Tu as vite épuisé Netflix, Amazon, et autres qui t’ont gardé branchée sur ton ordi parfois 15 heures par jour.

Tu as accepté que ton grand frère vienne vivre avec nous quelques mois, même s’il t’a fallu réaménager ton espace pour lui permettre d’avoir une chambre à lui. Tu l’as fait sans ronchonner, en y mettant beaucoup d’énergie.

Était-ce parfait? Non. Tu as craqué à quelques reprises, comme nous. Mais honnêtement, nous y avons tous mis du notre, et le confinement, dans une grande maison, avec un grand terrain et une piscine, s’est plutôt bien déroulé. Malgré notre crainte d’attraper le maudit virus, nous avons compris, ton père et moi, que le risque zéro n’existe pas et qu’il te fallait étendre un peu, de manière sécuritaire, tes nouvelles ailes d’adulte. Ce que tu as fait de manière responsable, et nous t’en sommes reconnaissants.

Tu as 18 ans, ma belle rebelle, et l’avenir devant toi. C’est un peu affolant, non? Il y a 40 ans, à mes 18 ans, j’avais devant moi un « champs des possibles » libre, croyais-je à ce moment-là, d’obstacles ou de mines cachées. Et c’était vrai: les femmes avant moi avaient obtenu le droit de vote, le droit de décider par elles-mêmes d’une profession, le droit à l’amour libre et sans contrainte, le droit à disposer de nos corps et à la contraception. Le sida n’existait pas, et pour autant qu’on fasse un peu attention, le condom n’était même pas dans le fond de nos sacoches en macramé 🙂

Toi, tu entames cette nouvelle étape de ta vie dans un contexte différent: la droite monte en force un peu partout, le maudit virus est avec nous encore pour quelques mois, voire quelques années, votre éducation « en ligne » vous prive de ce qui est le plus le fun des années de cégep, le plaisir d’être en gang au café. Votre vie est ponctuée de #hashtag #BlackLivesMatter #OnVousCroit #MauditVirusAMarde #

Vous façonnerez le monde à votre image, et je te fais confiance. Tu as de bonnes valeurs, une base solide. Tu feras des niaiseries, tu rentreras après avoir trop bu et tu auras plus qu’une conversation avec le grand téléphone blanc. Tu te battras pour tes droits, tu feras valoir ton point de vue, et tu continueras à adoucir les angles de ta personnalité parfois trop entière.

Tu as maintenant plein de nouveaux droits, dont celui de voter. D’aller dans les bars sans avoir peur de te faire carter. Ça vient avec des responsabilités. Tu le sais qu’il faudra que dorénavant, tu assumes toutes tes coches mal taillées. T’en as pas fait tant que ça et tu as appris de tes erreurs. Nous sommes fiers de toi, ma merveilleuse merveille, ma toute belle rebelle, ma plus belle Perséide!

Je t’aime, ma toute belle rebelle. De tout ce que j’ai accompli dans ma vie, tu es ma plus belle réussite. Je n’y serais pas arrivée sans ton père, et le regard que nous avons échangé ce matin en disait long. Sois fière de toi, comme nous le sommes.

Maintenant, hop au boulot! Parce que ça aussi ça vient avec le fait de ne plus être une petite fille: travailler, payer des impôts et avoir un boss 🙂

 

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