Mon nouvel ami

J’ai un nouvel ami. Il s’appelle Georges. Il vit ici, entre les murs d’un édifice aux couloirs lugubres.
Le jour, quand je travaille, il reste dans sa petite chambre, à peine plus grande qu’une cellule de moine. Un lit, un bureau, une chaise droite. Quelques livres d’enfant, dont il suit les mots du bout de son doigt jauni par la cigarette. Je ne sais pas s’il lit réellement, ou si il a appris par cœur ces mots qu’on lui a lu des dizaines de fois.
Quand l’édifice se vide de ses fourmis laborieuses, il sort. Il fait le tour de l’immense bâtiment, deux fois, parfois trois, en fumant cigarette sur cigarette. Il parle au vent, s’arrête pour contempler le grand jardin entretenu par ses pairs, laisse le vent jouer sur ses joues et sa barbe mal rasée, puisqu’on ne lui laisse que de vieilles lames émoussées. Il erre, parfois longtemps quand le temps doux lui permet et ne regagne son logis qu’à regret.
Le matin, quand j’arrive, il est là. Pas encore enfermé pour la journée. Il fume une dernière cigarette puisqu’on lui interdit de le faire à l’intérieur, maintenant.
Les premiers jours, il baissait la tête, refusant tout contact visuel, ne répondant pas à mon « bonjour! » probablement trop sonore pour lui. Puis, petit à petit, il a esquissé un timide sourire, et a fini, au bout deux mois, par répondre à ma salutation.
L’autre matin, il a tendu la main vers moi. J’ai reculé, un peu, par surprise plus que par peur. On m’a tellement dit de me méfier. Que les fous, ce sont des imprévisibles. Il a senti mon recul, et je l’ai senti blessé.
Ou peut-être que j’ai imaginé son émotion. Le lendemain, il n’y était pas.
Aujourd’hui, il était revenu, fidèle au poste. Je me suis arrêtée, et je lui ai demandé comment il allait. Il m’a fait un sourire, a pris ma main et l’a mise sur son épaule, en disant « ami. Georges est ton ami ».
Je sais pas pourquoi, ça m’a remuée. Les couloirs sont toujours aussi lugubres, mais j’ai un nouvel ami. Il s’appelle Georges.

*****

Il s’agit d’une fiction, bien entendu. Mais depuis quelques mois maintenant, je travaille dans le milieu de la santé, tout nouveau pour moi. Les récents articles sur la santé mentale m’ont touchée. Des Georges, j’en côtoie tous les jours. Je leur souris. Et j’espère que ce sourire leur fait du bien.

Sucré seize

On en est là. Sucré 16. J’ai beau me pincer, me dire que j’en ai manqué un bout, me remettre la tête sous la doudoune…. la réalité me rattrape. Sucré 16.

On ne reviendra pas sur cette année pas facile pour personne. Mais tu as assuré. Oh! Oui. Comme si tu étais une sacré 32. Quand tu as vu que je n’allais pas, que le moral était sur le point de flancher, tu étais là pour me crier des « je t’aime » et  me faire un bisou-tout-doux. Avec ton père, vous avez été mon rempart dans ces jours difficiles.

Tu es toujours ma belle rebelle, ma Perséide perso. Ton caractère est toujours aussi vif, mais tu sais maintenant comment canaliser cette énergie. Et tu m’impressionnes. Sincèrement. Tu as vécu, en accéléré, ton passage de l’adolescence à l’âge adulte. Tu as eu ton premier amoureux sérieux et tu as négocié ta liberté de belle manière, tout en nous disant que cette conversation « là », tu la trouvais malaisante. Tu as respecté tes engagements, tu as terminé ton année scolaire en y mettant tous les efforts et tu as rouspété de ne pas travailler parce que nous avions eu l’idée d’avoir un bébé né en août plutôt qu’en juin. Tu as appris, cette année, à mettre des mots sur tes sentiments et à les exprimer sans colère, sans bouderie, sans claquage de porte. Ou presque.

Il y a quelques jours, tu as vécu ta première peine d’amour. L’écoeurant, il t’a laissé par texto alors que tu étais chez ta grand-mère. Je n’étais pas là pour éponger tes larmes, et de loin, j’ai vécu ton chagrin comme si je t’avais abandonnée, parce que je n’étais pas là pour toi. Tu aurais probablement souri de nous voir, ton père et moi, les yeux pleins d’eau quand nous lisions tes messages et après tes appels. Je sais, les peines d’amour sont inévitables et elles font parties des apprentissages difficiles mais formateurs. Toi, tu as eu le courage d’aller le confronter, de lui dire que tu le trouvais particulièrement couillon de t’avoir dompée à distance. Tu es revenue le visage ravagé par les larmes et le chagrin, tu t’es mouchée sur mon épaule et tu m’as dit « Il ne me mérite pas ». J’en suis encore épatée. Je n’avais pas, à ton âge, cette maturité ni cette confiance en moi. Et plusieurs femmes de mon entourage, même encore, non plus. Je ne suis plus inquiète, maintenant. Tu as appris à te faire respecter et je plains celui qui oserait s’essayer!

Dans quelques jours, tu entreprends le dernier droit de ton secondaire. Bientôt, trop vite, l’heure des choix sonnera. Pour le moment, tu penses au droit, celui qui te permettrait de défendre l’indéfendable. Cette année, tu devais, dans le cadre d’un travail scolaire, préparer une plaidoirie sur ce genre de cas. Tu nous a soufflé, incluant ton professeur, par ta rigueur, ta fougue, et tes arguments imparables. Et tout ça dans un anglais impeccable! Bon, tu avais tout des avocates des séries télévisées, talons vertigineux inclus, mais si jamais tu maintiens ce choix de carrière, je n’ai aucun doute sur ton succès!

Entre-temps, tu profiteras de tes derniers jours d’été pour fêter, avec tes copines, ce sucré 16. Nous nous ferons discrets, ton père et moi, pour que vous puissiez admirer ces Perséides qui, tout comme toi, sont de plus en plus éclatantes. Hier, on a recréé, l’espace d’une journée, le clan. Toi et ta sœur, ton papa et moi. Ne manquait que le grand frère, qui travaillait. Piscine, souper. La première vraie belle journée de notre été, pleine d’une légerté qu’on avait oubliée.

Je t’aime, ma puce. Tu es, et tu seras toujours, ma plus belle réalisation. Mais je ne prends pas tout le crédit de cette jeune femme exceptionnelle que tu deviens: ton père, plus « lousse » que moi, sait mieux jauger ce qui t’es nécessaire pour t’épanouir. Moi, je te garderais sous verre, dans du papier de soie bleu, celui qui empêche le blanc de jaunir tu sais, pour que tu restes ma petite fille. Il est en grande partie responsable de ta maturité, de ta curiosité, de ta soif de liberté. Moi, je ne serai jamais loin pour ces jours où tu auras besoin de redevenir une petite fille qui a besoin de sa maman.

Je t’aime, ma belle rebelle. Profondément. Mais fais-moi plaisir, arrêtes de vieillir. Moi, j’arrête de compter. Un jour, tu auras 20 ans. Mais 16, c’est ma dernière limite!

 

 

Fifetine. Ouais. Fifetine.

Je ne dois pas savoir comment m’y prendre. J’ai beau essayé, mais à chaque fois, je me réveille avec les Perséides et une enfant qui a pris une année de plus. Là, on s’approche dangereusement de la majorité. Alors peut-être que de l’écrire en franglais, ça m’apparaîtra moins pire. Moins réel. Et m’aidera à gérer l’impression que j’ai un peu failli à ma tâche de mère au cours de la dernière année.

Elle a été difficile, cette année. Pour nous comme pour toi. Mais toi, tu as assuré, comme une grande, avec une nouvelle maturité que la maudite maladie de ta grande sœur t’a imposée. Pris dans le tourbillon du diagnostic, des traitements, de l’angoisse que nous avons essayé de contenir, du travail qui a grugé plus que jamais toute mon énergie physique et mentale, du dur apprentissage lié à un nouveau défi professionnel, j’ai l’impression que pendant de longs mois, on t’a abandonnée à toi-même et à tes propres angoisses, non seulement pour ta sœur, mais pour ton avenir. Dur dur, en secondaire 3, de se voir « classée » dans une option qui pourrait ne pas te permettre de choisir un métier. Je les ai vu, tes larmes de colère mais aussi d’anxiété, quand tu nous tenais tête pour des devoirs non-faits. J’ai aussi vu ce magnifique sourire et cette fierté mal contenue le soir ou tu nous as montré le papier indiquant que tout n’était pas perdu! Évidemment, avec l’air de t’en « contresinciboiriser », parce que tsé, ça serait pas cool hein de se péter les bretelles… Pourtant, ma belle rebelle, moi je sais les efforts derrière.

Et puis, tu as déployé tes ailes. Avec l’école, tu as participé à un voyage culturel en Italie, et tu es revenue, me semble-t-il, différente. Moins sauvage, plus sûre de toi, je dirais même… civilisée. Ouais, civilisée. Tu as toujours été polie, mais là, y’avait comme une couche de savoir-vivre et de savoir être qui se sont superposées à ma rebelle.

Et y’a eu F. Un gentil garçon, bien élevé et tout et tout. C’est pas simple, maintenant, les relations. C’est pas ton chum, tu n’es pas sa blonde, et si vous étiez un statut FB, ce serait probablement « it’s complicated ». Pourtant, vous êtes tellement beaux à voir. Vous m’avez accompagnée lors d’une activité professionnelle, et je n’ai eu que des compliments à ton sujet. C’est vrai que tu es d’une beauté remarquable, et tu es de plus en plus consciente de ton charme. Tu en joues, un peu, mais c’est encore bien anodin. Et pourtant, ça me rassure. Tu as pris confiance en toi, mais tu connais les limites à ne pas dépasser. Enfin, je crois. Ou enfin, j’espère. Je t’ai laissé aller à Osheaga, et ton père n’a pas cessé de me répéter que nous pouvions avoir confiance en toi. Moi, j’ai confiance en toi, mais suis-je obligée d’avoir confiance aux 49 000 personnes sur le site? Là encore, tu as assuré. Tu nous a dit que tu avais pris une bière, une seule.

Je vais m’y faire, tu sais. Tu grandis, tu vieillis et moi aussi. J’ai moins d’énergie et j’ai encore des sources d’inquiétude. Mais pas à ton sujet. Nous avons essayé de te donner, ma toute belle, de solides bases. Tu es intelligente, mature, et tu es capable d’argumenter et de te défendre. Bien sûr, la partie n’est pas gagnée, et paraît qu’à fifetine, c’est une période charnière. Mais je suis confiante. Même l’estomac noué, même la tête pleine de questionnements sur ce que nous aurions pu, du, faire différemment, je suis confiante. Ou menteuse? Nah… je TE fais confiance.

Souvent tu me demandes si je t’aime. Je réponds en blaguant que ça dépend de l’heure. Mais tu le sais que je t’aime, inconditionnellement et pour toujours. Tu es ma perséide perso, ma toute belle rebelle.

C’est ta fête demain. Et oui, en demande spéciale, comme le veut la tradition familiale, je ferai le repas que tu as choisi. Du pâté chinois pendant une canicule? Aucun problème, ma choupinette. Parce que je t’aime.

 

 

Perdre

Déjà presque la fin de juillet. Dire que j’avais de si bonnes résolutions en janvier…. Mais bon, la vie nous amène là où elle le veut bien, avec ses détours, nos résistances bien vaines, le quotidien….

Aujourd’hui, ma vieille chatte est morte. De quoi? Je l’ignore. Je l’ai retrouvée, intacte, comme lorsqu’elle dormait dans notre lit, au fond de la margelle près de la maison. J’en ai eu le coeur chaviré.

Ce n’est qu’un animal. Je sais. Mais depuis un an, les pertes de toute nature s’accumulent dans ma vie. Il y a eu le gros Gaston, en août dernier. Une vilaine torsion de l’estomac ou un cancer. Ou tout simplement était-il rendu à bout d’âge. Un dernier câlin, un dernier au-revoir.

Puis, la perte d’une certaine tranquillité d’esprit alors que la plus vieille a dû lutter contre un vilain lymphome. À 21 ans, c’est d’une injustice profonde. Qu’on ne peut pas rationnaliser, même si la mère en moi essaie de le faire pour préserver sa toute petite. On se bat, bien maladroitement parfois, mais on ne peut pas prendre toute la douleur, tout le chagrin,  toute l’angoisse. Nous ne sommes pas les premiers  côtoyer cette maudite maladie, mon père en est décédé, des amis autour de moi aussi. Mais à chaque fois, c’est LE combat le plus dur.

Des ennuis de santé, pas graves mais juste assez pour réaliser que la machine a besoin d’être entretenue. Et que la ménaupose n’est pas qu’une vue de l’esprit ou un excellent monologue de Clémence.

Des revers au boulot, aussi, accompagnés d’une certaine désillusion. Je me suis surpris à rêver du temps où faire de la politique était plus simple. Enfin, peut-être parce que j’étais plus jeune, que j’avais plus d’énergie ou que les réseaux sociaux n’existaient pas et n’avaient pas tout perverti.

Une année de marde, me suis-je surpris à dire à une collègue cet après-midi. Moi pour qui la reconnaissance est un moteur, qui suis ordinairement optimiste et qui ai tendance à voir le verre plus plein que vide, mon ressort est-il juste trop étiré? Suis-je à bout d’inquiétude pour les miens?

Et puis, après le deuxième rosé, alors que le Mammouth s’active en cuisine, que le soleil descend doucement sur la terrasse et que le bruit des enfants qui jouent chez le voisin m’arrive aux oreilles, je me dis que je ne suis pas à plaindre. Que j’ai un amoureux qui prend soin de moi même quand je suis plate, une adolescente qui comprend tout et qui est une soie, un gros idiot de chien qui a succédé à Gaston et qui finira bien par comprendre que les écureuils ne sont pas ses ennemis jurés, des amis qui m’enveloppent de leur sollicitude et une job qui me nourrit.  D’autres sont beaucoup plus mal pris que moi. Des gens esseulés souffrent dans les hôpitaux, des enfants dont les parents ne s’occupent pas d’eux, des parents qui s’inquiètent pour des enfants qui ont disparu.

N’empêche. Les vacances, cette année, seront nécessaires. Plus, elles seront essentielles si je veux retrouver mon « spring ». Et je me promets d’inscrire l’écriture au menu quotidien, question de permettre à mon hamster mental de prendre l’air.

Vivement août.

 

 

Les perrons d’église

C’est encore une fois un magnifique texte de mon ami Clément (oui, oui, je me réclame de son amitié!) qui m’a fait réfléchir. https://remolino.qc.ca/2017/02/01/il-ny-a-pas-de-raccourci/ .

La semaine a été dure. Pas uniquement à cause de l’attentat de Québec. Mais cet acte d’horreur nous a tous forcé à nous regarder le nombril. A regarder dedans ces zones d’ombre intimes qui, parfois, nous surprennent nous-mêmes.

Autrefois, on manquait de charité sur les perrons d’église. Le placotage, pas gentil, sur la voisine qui élevait donc ben mal ses enfants, sur son mari plus souvent à la taverne du coin qu’à la maison, d’la p’tite dernière qui était donc ben écourtichée…

Puis, on repartait chacun chez-nous, et quand les potins étaient vraiment de calibre, on prenait le téléphone pour raconter ça à la belle-sœur. Le potin pouvait ainsi faire le tour du village, mais ça prenait quand même quelques jours. On pouvait toujours s’en confesser le dimanche suivant et l’âme lavée, partager à nouveau sur le perron.

Est-ce que ça portait à conséquence? Oui. Des vies ont sans doute été brisées par des potins malveillants répétés à la sortie de la messe. Y’a sûrement eu des drames humains. Mais la vitesse et le rayon de propagation des rumeurs étaient sans commune mesure avec ce qu’on vit maintenant.

Les réseaux sociaux ont remplacé le perron d’église. On y propage des « faits alternatifs », on juge et on condamne en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, on like-partage-retweet à qui mieux mieux et on n’a même plus le réflexe de s’en confesser.

Tant mieux si la semaine nous aura permis un début de réflexion, et si quelques cas plus médiatisés de morons qui ont écrit des horreurs en convaincront quelques uns que l’anonymat n’existe pas vraiment.

J’ai lu – et je ne me souviens malheureusement plus à quel endroit, que les gens retweetent des liens vers des articles qu’ils n’ont pas lu dans plus de 40% des cas. Suffit que le tweeter original nous semble crédible. Le plus bel exemple est sans doute celui d’une fausse agence de presse qui identifiait les coupables de la tuerie de Québec – et qui a été partagé plus de 100 fois avant que quelqu’un fasse remarquer que Reuters ne s’écrit pas Reuter… Même chose avec l’identification d’un deuxième « suspect ».

Et si on faisait de 2017 une année où on compte jusqu’à 10 avant de partager ou retweeter quelque chose?

 

A vous, mes amis d’ailleurs

J’ai hésité avant d’écrire, de peur de ne pas trouver les mots. Je ne voulais pas écrire à chaud, sous le coup de l’émotion. Mais depuis dimanche, l’émotion ne s’est pas atténuée. Elle me noue la gorge. Elle me remplie les yeux d’eau. Mais surtout, surtout, je pense à vous.

Je t’ai lu, Houssein. Sur la complexité d’expliquer à des enfants que leur croyance peut être un motif de haine. Sur l’impuissance du parent qui veut protéger. Et j’aurais voulu prendre ton angoisse,

Je t’ai lu, Sonia. Ta colère sourde, justifiée. Elle est mienne, cette colère. Elle est faite d’incompréhension, de peine, mais surtout d’un sentiment d’injustice qui prend toute la place. Et tu as raison: il n’y a rien de juste dans le fait d’abattre froidement des gens qui ne partagent pas notre religion, ou notre couleur, ou nos coutumes.

Je vous ai lu. Et j’ai eu envie de vous dire merci. Même si je suis une « de souche », vous m’avez toujours accueillie parmi vous, sans me juger. Nous avons eu des discussions parfois sérieuses, parfois ludiques, autour de ces bbq au parc, ou chez-nous, ou chez-vous. Jamais vous ne m’avez fait sentir que je venais d’un autre monde.  Nous sommes d’une même famille, celle des humains.

Je comprends l’inquiétude, et l’envie manifestée par certains de partir ailleurs. Mais j’espère, sincèrement, que vous choisirez de demeurer parmi nous. Parce que votre amitié m’est précieuse, parce qu’elle m’enrichit et parce que vous faites partie de ma vie.

Suis-je naive de penser que l’immense majorité des gens pensent que tous, nous pouvons cohabiter harmonieusement? Je sais que des tragédies- parce que c’est une tragédie et un attentat terroriste – arrivent, et que ça arrive ici ne m’étonne pas. Nous étions peut-être un peu trop confiant que ces affaires-là, ça arrive juste ailleurs, aux autres. Comme le disait mon patron hier, il nous faut garder ce fragile équilibre entre ouverture et vigilance.

L’heure de distribuer les blâmes viendra probablement trop tôt. Nous avons tous une réflexion à faire sur nos mots, derrière l’anonymat des écrans, nos gestes, nos paroles, nos blagues parfois déplacées.

Je mise sur nos enfants. J’ai confiance qu’ils sauront être plus inclusifs que nous. Mais pour ça, il faut leur expliquer, comme tu l’as fait Houssein, que ce sont des fous.

 

On avance par en arrière!

Hier soir, soirée au cinoche avec le Mammouth. J’ai adoré « Hidden figures », l’histoire de ces femmes noires qui ont joué un rôle déterminant dans le programme spatial américain. Un beau film, émouvant, inspirant mais qui, dans le contexte de l’investiture de Trump, amène une autre réflexion.

Particulièrement en cette journée où des millions de femmes, partout dans le monde, on manifesté contre lui.

En revenant, le Mammouth a partagé la rage qui l’a habité tout au long du film. Comment une société, il y a à peine 60 ans, pouvait discriminer les noirs et les femmes à ce point. Et comment c’est, malgré tout les acquis, si fragile? Comment, après avoir élu un président noir, les américains ont-ils pu élire quelqu’un qui remet tout cela en question? Le suprématisme blanc, riche, a pris le pouvoir à Washington et les quatre prochaines années risquent de n’être qu’un long affrontement entre les gens qui ne veulent pas perdre leurs acquis et la réalité. Et j’ai peur que les affrontements ne soient pas toujours qu’au plan des mots.

En revenant, j’ai écouté, incrédule, le porte-parole de la maison blanche, manifestement en service commandé, mentir. Oui, mentir. Quand on déforme à ce point la réalité, c’est qu’on ment. Et mentir, en politique, c’est le pire péché. Omettre peut s’expliquer, mais mentir?

Je suis inquiète ce matin. Je n’ai jamais eu peur que Trump actionne le fameux bouton rouge. Mais ce matin, j’ai peur pour toutes ces fillettes américaines, particulièrement celles issues des communautés culturelles. J’espère que la mobilisation d’hier ne s’essoufflera pas et que dans 3 ans et demie, les américains remettront les clés de la Maison Blanche à quelqu’un qui n’aura pas comme ambition de faire reculer la société, les droits des uns et des autres et la décence humaine.

Parce que c’est de ça dont on parle. De décence humaine.

D’amour, d’amitié, de loyauté et autres…

Il faut être parent, je crois, pour bien comprendre que deux sentiments à l’opposé l’un de l’autre peuvent cohabiter: la colère et l’amour par exemple. Je me souviens d’avoir eu, avec merveilleuse merveille encore toute petite, une conversation où je lui expliquais que même si son comportement m’avait mise en colère, je l’aimais toujours autant. Je désapprouvais son comportement, mais ça n’altérait en rien l’amour inconditionnel que j’éprouvais pour elle.

La vie nous met parfois devant ce genre de situation. Particulièrement en politique je dirais. J’ai toujours fait attention à dissocier les idées des gens. J’ai des amis dans tous les partis, et je crois profondément que le fait de ne pas partager les mêmes orientations n’est pas en soi un obstacle à l’amitié. En autant que la réciproque soit vrai, et que le respect soit au rendez-vous.

Et puis, il y a les loyautés. Amicales, professionnelles, personnelles. Qui sont parfois en contradictions. Mais j’ai toujours refusé de choisir entre mes loyautés. Je pense, au risque de me tromper, que je sais faire la part des choses. Que je suis capable d’être loyale à une amitié personnelle même si je ne suis pas en accord avec ce que cet ami pense. Parfois, le conflit de loyauté passe par une étape qui s’appelle le silence. Pas par manque de courage, mais plutôt parce que le temps doit faire son oeuvre.

J’ai probablement encore, à quelque part, une belle naïveté. On me dira qu’en 2017, il faut choisir son camp. Alors je choisis le mien: celui du juste milieu.

À part ça, chez-vous vont bien?

« And I hope I’ve made you proud »…..

J’écoutais, émue, le dernier discours officielle de Michelle Obama. S’adressant aux jeunes, elle a terminé son allocution en disant qu’elle espérait avoir rendu les américains fiers. Fiers d’elle mais surtout d’eux-mêmes.

Que d’espoir, en 2008, quand Obama a été élu. Tant d’espoir. Sur les épaules d’un seul homme. Évidemment, on ne pouvait qu’être déçu: personne ne pouvait répondre aux attentes du monde à son égard. Les attentes étaient trop grandes pour un seul homme, dans un monde qui change à la vitesse grand V.

8 ans plus tard, l’impression que le monde est encore pire qu’en 2008 est tangible. Je ne suis pas une spécialiste de la politique américaine – je laisse ça à mon ami John Parisella – mais le seul fait que Trump ait été élu pour succéder à Obama me porte à croire que les désillusions l’ont emporté sur l’espoir. Je sais, beaucoup d’autres facteurs sont en cause: Hilary elle-même, le fameux plafond de verre, le cynisme ambiant, etc.

Et pourtant, les Obama laissent derrière eux un héritage dont ils peuvent être fiers. Qu’en restera-t-il concrètement après Trump? Probablement bien peu. Mais la dignité, la décence, la grâce, ça ne s’estompera pas et c’est ce qui restera dans la mémoire des gens.

Ma mère avait gardé toute une collection de revues mettant en vedette Jackie Kennedy, de son mariage aux tragiques événements de Dallas. Je me souviens, petite, de les avoir feuilletés, fascinée par la grâce et l’élégance de cette américaine qui nous ressemblait un peu.

2017 commence un peu comme 2016 a terminé: un fou qui tire dans une foule, une personnalité qui meure subitement. Et dans quelques jours, Trump prendra les rênes, et ce qu’on a vu à date de ses décisions ne semble pas rassurant.

Pourtant, j’ai envie de croire que 2017 nous amènera ailleurs. Que le cynisme, la méchanceté, la peur feront place à autre chose. Quelque chose qui pourrait nous faire dire, dans 355 jours, que ce fût une belle année.

J’ai envie – non, j’ai besoin – de focusser sur le positif. Et peut-être que si on est une méchante grosse gang à focusser sur le positif, on pourra être heureux de lever notre verre de bulles à l’aube de 2018.

La routine habituelle, quoi!

Petite, un personnage d’émission pour enfants, un perroquet, avait comme phrase fétiche « la routine habituelle, quoi! » – en roulant démesurément le r de routine.

En reprenant le chemin du bureau, ce matin, cette phrase m’est revenue. En boucle. Refaire la route, retrouver malgré le mauvais temps mes détours, stationner la voiture, saluer le gardien de sécurité à l’entrée, chercher ma carte d’accès dans ma sacoche trop pleine, monter dans l’ascenseur. La routine.

Saluer les collègues, s’informer du temps des fêtes, échanger des vœux pour cette nouvelle année. Rire avec un, reprendre un argument laissé en plan au départ avec l’autre.

2017 sera une année de défis professionnels. Elle me sortira de ma zone de confort. J’y connais quoi, moi, en course automobile et en électrification des transports? Et pourtant, malgré l’angoisse et le stress, c’est un défi qui me stimule.

En revenant, ce soir, je me suis dit qu’au final, la routine habituelle ne serait pas si tant une routine habituelle.  Et j’ai besoin de cette mise en abîme. En mars, j’aurai 55 ans. 40 et 50 ne m’ont pas affecté. 55 m’effraie, et j’ignore pourquoi. J’ai donc besoin de sentir que je peux encore faire une différence, que je peux mettre toute mon expérience professionnelle, toute mon intelligence et toute mon énergie (enfin, ce qu’il en reste…) à faire des projets qui me font tripper.

Et comme la vie est bien faite, elle m’a fait un petit plaisir ce soir: la découverte, sur Télé-Québec, d’une émission fort bien faite, « Microphone », qui met en vedette des gens que j’aime beaucoup. Louis-Jean Cormier, Patrice Michaud, Daniel Lavoie et Fanny Bloom (que je découvre), et qui ont refait des chansons aimées.

La routine habituelle? Que nenni. Ou si peu 🙂