En 70, j’avais 8 ans. Comme toutes les gamines de 8 ans, pour moi la vie se résumait à papa/maman/la famille élargie/les amies/l’école. La douce vie sans soucis, quoi! Pourtant, il y avait une fébrilité dans l’air, un je ne sais quoi de plus grave dans la voix et dans le regard de mon père.
Un soir de fin d’été, avant qu’il ne fasse noir, un bang retentissant a surpris tout le monde. Bien vite, les sirènes de voitures de polices, des camions de pompiers et des ambulances ont envahi notre petite ville tranquille. Notre petite ville de région « éloignée », bien loin de Montréal et de ses bandits. Comme tous les voisins, mon père est allé voir. Et il est revenu, l’air encore plus grave. Je l’ai entendu chuchoter des choses à ma mère, puis il m’a mise au lit, en me serrant très fort. Il m’a expliqué que des gens, sans qu’on comprenne trop pourquoi, avaient fait éclater une bombe au Steinberg du centre-ville. Et que jamais, jamais, la violence n’était une solution. Je ne sais plus ce que j’ai retenu, mais je me souviens avec acuité de son air grave, lui qui était mon clown personnel permanent.
Quelques mois plus tard, je me souviens d’avoir vu, à la télévision, l’armée dans les rues de Montréal. Ça m’avait impressionnée. Puis, j’ai vu que dans mon petit patelin, pour protéger un ministre du gouvernement, l’armée était aussi installée. Et j’ai eu peur. Dans la tête d’une enfant de 8 ans, l’armée, c’est la guerre.
Je me souviens de Gaétan Montreuil, lisant le manifeste du FLQ. Je me souviens surtout des pleurs de ma mère et du découragement de mon père. Pour eux, j’imagine, les « événements d’octobre » c’était l’équivalent de notre 11 septembre: l’effondrement du monde tel qu’ils le connaissaient.
C’est là, je pense, que j’ai décidé, dans ma petite tête d’enfant de 8 ans, que moi, je ferais ce qu’il faudrait pour que ça n’arrive plus. Et que j’ai compris que c’était dans les bureaux de Québec qu’il fallait être. On peut militer à l’extérieur des cercles du pouvoir et gueuler, ou alors on peut y entrer, et travailler fort, baver, sacrer, et essayer pouce par pouce de changer les choses. J’ai fait le tour, j’ai gravité sans m’investir, sans militer. Et un jour, j’ai plongé.
Ça m’a pris 20 ans pour en sortir, et si j’ai pu changer, à une modeste échelle, des choses infimes, je considère que je n’ai pas perdu mon temps et j’en suis fière. Mais j’ai aussi compris que même dans les bureaux de Québec ou d’Ottawa, c’est rarement là que les choses se décident.
Suis-je désabusée par la politique? Oh! que oui! En écoutant la dernière partie de l’excellente série sur René Lévesque,qui se terminait sur octobre 70, j’ai ressenti une certaine nostalgie de cette fébrilité qui vous prend toute entière. Je n’ai jamais pris de drogue forte *et même sous la torture, je nierai toute ma vie avoir inhaler la méchante boucanne du tabac qui fait rire*, mais le « high » politique is « highly addictive », je peux en témoigner.
Je nous souhaite de retrouver des leaders qui sauront nous redonner collectivement le goût de nous investir dans la chose publique. Malheureusement, rouge, bleu ou vert, y’a rien d’excitant à l’horizon…
Me reste les rhinoféroces. Tiens, mammouth, et si on y regardait de plus près???
Le high politique: il fallait bien que ce soit sur un blogue qu’on en entende parler, car ce n’est pas un Boisclair qui l’aurait confessé, hein? 😉 Ça explique sans doute que des politiciens s’accorchent si longtemps. Et si je comprends bien, faire de la politique, ça peut être ingrat, mais ça procure un buzz, aussi…
Ce qu’il faudrait surtout c’est que ça cesse de coûter humainement si cher à ceux qui veulent faire les choses proprement. Massacrer l’idéal de quelqu’un d’intègre, peu importe son parti, c’est l’écoeurer à tout jamais. Et alors, il restera qui pour gouverner?
AH René oui! Justement, lui il se démenait à rester près de son peuple et voulait comprendre. À son deuxième mandat il s’est rendu compte qu’il s’était éloigné, mais il restait toujours avec son idée première: travailler pour le peuple! Qui fait ça maintenant? Personne! Ils oublient ce qui se passe en bas, souvent ils n’ont même jamais été en bas. Boisclair qui OSE dire qu’il va faire une équipe comme celle de Lévesque en 76, il mériterait de se faire lancer des tomates. Ce n’était pas juste l’équipe, c’était l’homme aussi. C’est ça que Dédé il comprend pas.
Boisclair me fait penser au second dans « Les sentinelles de l’air ». Celui qui bouge la tête comme s’il était atteint de Parkinson. Un peu plus, j’entend « Marinaaaa ». C’est dire le sérieux avec lequel j’écoute ses discours!