La domesticité

Depuis la mi-août, je suis à la maison. D’abord en vacances, puis en arrêt de travail pour cause d’épuisement. Ce n’est pas la première fois que j’arrête si longtemps, la dernière fois remonte à mon congé de maternité il y a 5 ans.

Mais cette fois, c’est différent. Un peu comme si ce congé m’avait été « imposé », et que je ne l’avais pas « planifié ». Un congé maternité, on sait que ce ne sera pas des vacances. Merveilleuse merveille a son horaire scolaire bien établi, Mammouth vaque à ses occupations, entre l’écriture et la radio. Et moi? Combien de fois peut-on faire le ménage? Après avoir mis 100 livres de tomates en pots, on fait quoi? Le magasinage, c’est bien beau, mais quand on n’a pas le budget de Céline, ça devient frustrant…

Oui, j’ai lu. Non, je ne me gave pas de petits gâteaux à la journée longue. Oui, je prends une marche tous les matins en allant reconduire merveille à l’école. La télé le jour me laisse plutôt froide, et je fais une cure de désintox de RDI – enfin j’essaies. Bref, une fois que j’ai joué 30 minutes à la version internet du Cercle, que j’ai lu mes blogues préférés – et même les autres parfois, je tourne en rond. Au point ou je me demande si dans la famille, ce ne serait pas moi, l’hyperactive…

Chanceuse, me direz-vous! Profites de ce temps pour toi. Ouais ouais. Mais pour faire quoi? Au fond, je suis une bête éminemment sociale. J’ai besoin de sortir de la maison, de discuter, de colletailler mes opinions avec celles de mes collègues.  Je réalise que je ne pourrais pas être une maman à la maison, même avec la meilleure volonté du monde. Je les envie, remarquez bien. Ne serait-ce que parce que les matins ne sont pas une course contre la montre, et que j’ai le temps de bien réveiller ma puce, de lui faire des câlins, et de déjeuner sans être bousculée. Et qui ça dérange que j’aie l’air du diable en allant la reconduire, hein?

En y pensant bien, c’est peut-être ma carrière qu’il faudra que je repense. Quelque chose de moins exigeant? Hum… Des heures de plaisir à réfléchir…

Les accommodements raisonnables

Je m’étais pourtant promis de ne rien écrire à ce sujet. Dangeureux, provocateur et très « in » comme sujet de papier. Mais après avoir écouté hier soir la Commission Bouchard-Taylor dans un patelin tout près de chez-moi, j’ai beaucoup de difficulté à ne pas me laisser aller les doigts sur le clavier.

Je suis saguenéenne de naissance et jusqu’à tard dans l’adolescence, la sortie « obligée » à la messe dominicale a ponctué ma vie. J’étais d’ailleurs assez d’accord avec la remarque de Kevin Parent, ce dimanche à TLMP. Notre belle solidarité « virtuelle », si importante soit-elle, ne pourra jamais remplacer la solidarité du parvis de l’église. Mais ceci est un autre débat. J’ai donc été élevée dans une société plus qu’homogène, blanche, francophone, catholique. J’ai par contre eu une chance inestimable d’être née au sein d’une famille ouverte aux autres, accueillante et sans préjugés. J’ai fait mes études à Québec. J’y ai cotôyé des gens de différentes nationalités, et la couleur de la peau ou les principes religieux des uns et des autres ne m’ont jamais hérissée.

J’ai ensuite travaillé dans des ministères à caractère humain – d’abord à la sécurité du revenu, puis, au fédéral, à l’Immigration. J’y ai vu du meilleur et du pire, sans égard à la race ou au statut social. Bien sûr, j’ai parfois dû faire des efforts pour comprendre: il n’est pas évident pour moi de me faire refuser un rendez-vous sous prétexte que je suis une femme. Ai-je été offusquée? Parfois, mais pas au point d’en faire un drame. Et puis, je pourrais vous nommer quelques misogynes aux noms bien québécois, qui traitent les femmes comme des sous-fifres…

C’est pourquoi tout le débat sur les accommodements raisonnables me laisse perplexe. Je n’arrive pas à m’insurger contre le port du voile – j’ai vu dans le métro l’autre jour une jeune fille diablement sexy, bien que voilée. Un voile fushia, assorti à un pantalon fuseau de la même couleur, porté avec un long chandail blanc. Et une profusion de bijoux dorés… Pas un bout de peau ne dépassait, pas une once de maquillage sur les yeux ou les lèvres. Mais à mes yeux, cette jeune beauté éclipsait en sensualité et en sex-appeal toutes les émules de Britney-bédaine-Spears.

Je sais, vous me direz que pour une jeune beauté des milles et une nuits, y’en a des millions qui sont voilées « drabes » et qui sont forcées à porter le voile pour des raisons religieuses, ou en signe d’asservissement à l’homme. Peut-être. Mais avant de porter un jugement d’occidental sur ces femmes voilées, je vous invite à lire l’excellent papier de Rima Elkouri dans la Presse d’hier.

Je ne me ferme pas les yeux non plus sur le sort des femmes afghannes, ou pakistanaises. Mais ce n’est pas en ayant peur de l’« autre » ici que nous ferons avancer la cause des femmes dans le monde. Je ne suis pas d’accord avec ceux et celles qui pensent que la commission soit une perte de temps.

Je crois au contraire que nous avons besoin de cette thérapie collective, quand j’entends les énormités que j’y ai entendu depuis le début. Une fois que nous aurons ouvert notre jeu, une fois que nous aurons exposé toutes nos peurs, fondées ou non, nous pourrons regarder en avant.

Parce que j’y ai aussi entendu des choses formidables: des gens qui défendent le droit à la différence, tout en souhaitant que nous ayions des valeurs communes. Un homme, entre autres, qui a fait une différence fondamentale entre le port du kirpan et celui du voile: le kirpan heurte nos valeurs de paix, parce que c’est une arme. Le voile heurte nos valeurs d’égalité, mais qui sommes-nous pour juger ce qui se passe dans la tête des femmes qui acceptent de le porter? Pourtant, ce sont là deux symboles religieux. Et puis ce jeune homme hier venu poser une question fondamentale: si nous avons si peur des « accomodements raisonnables », peut-être est-ce parce que nous ne sommes plus capables de défendre nous-mêmes notre langue, notre culture et nos valeurs? Et si notre insécurité collective se camouflait derrière cette peur de l’étranger?

Et si c’était cela, la vraie question?

Ah! les fraises et les framboises

En fait, je devrais dire ah! les pommes! Non mais, quel beau mois de septembre nous avons! Peut-être est-ce parce que je suis moins pressée par le temps, mais il me semble que septembre 2007 passera à l’histoire comme un mois extraordinairement ensoleillé et doux! Presque difficile de croire que l’automne vient d’arriver, et si ce n’était des érables qui virent au rouge, on se croirait presqu’en été.

Je réapprends doucement à perdre et à prendre mon temps. Sophie, t’inquiètes pas, je t’ai écouté et me suis donné le droit d’être mauditement imparfaite! 🙂 Mais je suis génétiquement condamnée: au Saguenay, les chromosomes X s’accompagnent du gène de la guénille pour faire le ménage! Difficile de se battre contre l’hérédité!

Ce soir, pour la dernière soirée du matou japonais en ville, nous ferons honneur à la tradition familiale: mon méga pâté chinois *je sais, on ne devrait pas recevoir au pâté chinois, mais paraît que les occasions d’en manger sont plutôt rares, là-bas…*. Et en grande finale, la tarte aux pommes de ma copine la banlieusarde, qui cuit doucement pendant que je termine mes choses.

Cette semaine, je ferai ma sauce tomates pour passer l’hiver. Je pensais être trop tard, mais hier au marché, les étalages regorgeaient encore de belles italiennes mûres.

C’est tout simple, au fond. Ça doit être ça, le secret: l’odeur de la tarte aux pommes!

Le cas G.J.

Public fidèle, à me lire depuis plus d’un an, vous avez bien dû deviner que je suis loin d’être une sportive. Même pas de salon. Bien sûr, je suis une fan finie du Canadien, je me souviens de l’époque ou il n’y avait que 6 « clubs » dans la ligue et je connaissais par coeur les statistiques de mes joueurs préférés. J’étais amoureuse du grand Robinson, alors que le démon blond me laissait de glace. Et avoir eu l’âge, j’aurais invité Butch Bouchard à déposer ses patins à côté de mon lit. Mais là s’arrête et ma connaissance et mon amour du sport.

Je comprends donc mal que TOUTE l’actualité des derniers jours soit monopolisée par les aveux de Geneviève Jeanson. Tout le monde, et son père, se sont prononcés sur l’affaire. J’avoues: je n’ai rien lu, j’ai refusé d’écouter les lignes ouvertes d’amateurs de sport bonsoir, et j’ai écouté en rafales les reprises de l’Or du temps et du Clan Beaulieu plutôt que RDI et LCN depuis jeudi. Et puis, Christiane Charette m’a encore fait frémir (et pas nécessairement de joie!) en affirmant que le dopage dans le sport et la légalisation des drogues douces procédaient du même raisonnement… Mais j’ai lu Foglia ce matin. J’aime Foglia. Il s’en fout que je l’aime, mais je l’aime pareil. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui, mais règle générale, il est toujours dedans.

Alors expliquez-moi. Pourquoi cette effervescence? Parce que plus personne ne s’excite sur la disparition de Cédrika? Parce que les élucubrations de nos politiciens ont fini par nous faire décrocher complètement? Parce que tout le monde est parti aux pommes? Y a-t-il une plus grande perspective que je ne saisi pas? Le cas Jeanson fait-il partie d’un complot quelconque pour nous détourner des changements climatiques?

Moi je n’y vois que l’histoire d’une pauvre fille, ambitieuse, à qui on a présenté la dope comme un moyen d’arriver à ses fins et qui a plongé dedans. Pas une victime. Enfin, pas tout à fait.

Much ado about nothing, comme disent les chinois…

Il est grand le mystère de…

J’ai toujours beaucoup travaillé. Dans mon jeune temps *oui, oui, j’ai l’âge pour utiliser cette expression!*, je faisais facilement 70 heures/semaine, n’ayant que ma petite personne à m’occuper. Puis, je suis devenue maman, et j’ai essayé – en fait, j’essaies toujours – de concilier vie professionnelle et vie personnelle. En plus de me taper le combo train/métro. Je suis une fille super organisée, donc la maison est toujours plus ou moins « présentable ». J’ai une routine gagnante, vider le lave-vaisselle avant le déjeuner, plier la lessive de la veille après le déjeuner. Mettre la lave-vaisselle en marche le soir, de même qu’une brassée par jour, sinon on étouffe sous le linge sale. Le samedi est consacré à la danse de Merveilleuse merveille, puis aux courses, pendant que Mammouth nettoie les salles de bain. Bref, tout roule au quart de tour.

Depuis plusieurs semaines, je suis en arrêt de travail. Épuisée physiquement, mais également dans ma tête. C’était parfait, puisque je voulais bien établir la nouvelle routine scolaire de ma fille et reprendre de bonnes habitudes de vie pour moi. Et me reposer, évidemment. Je me voyais déjà profitant du jardin, remettre mes lectures à jour, etc…

Je dois malheureusement faire un constat d’échec: je n’ai jamais été aussi désorganisée de toute ma vie! Il est 14h30, la balayeuse est sortie depuis 2 heures et attend que je trouve le courage de la « ploguer », j’ai une brassée qui niaise désespérement dans la sécheuse, je viens de faire le lit…

Bon, j’ai verni les « quart-de-ronds » de finition pour le plancher de la salle familiale, et j’ai lu La Presse d’un couvert à l’autre. On peut difficilement qualifier ça d’une journée productive… et je ne me sens pas du tout reposée. J’angoisse même à l’idée de reprendre le travail, parce que je n’arrive pas à figurer comment je pourrai continuer à préparer ces petits lunchs qui font l’envie des copains de classe de Merveille tout en rushant le matin. Déjà que je ne fais que le strict minimum en terme de maquillage, devrais-je complètement cesser le mascara?

La jalouserie

Commençons cette semaine qui s’annonce magnifique par un aveu. Un aveu de taille. Je suis atteinte de jalouserie. Oui, tel que vous me lisez, je suis jalouse.

D’une autre femme? Que nenni! Bien que je sache que mon Mammouth charme par sa voix radiophonique des milliers de femmes chaque semaine, je crois notre amour assez solide. Bon, je m’inquiéterais si l’une d’elle avait droit à son risotto aux pleurotes – après tout, c’est ce qui m’a fait succomber, moi!

Non, le sentiment qui m’habite est d’un tout autre ordre. Serais-je jalouse du talent des autres? Que nenni non plus! J’ai l’humilité assez humble pour reconnaître que je n’écrirai jamais comme Chroniques blondes ou Martine, que je n’ai pas l’humour de Mère indigne ou de Déesse dodue, et que mes péripéties maternelles n’arrivent pas à la cheville de celles d’une Couvée de princesses.

Non plus que je n’aurai la chance, comme Sarah-Émilie ou mon chauffeur de taxi préféré, de passer une soirée à signer des autographes. Émilie a écrit un roman, la Danse de l’esquive, que je vous recommande fortement. L’intrigue est bien construite, et alors que vous pensez savoir ce qui va arriver, oups! Elle vous entraîne ailleurs. J’ai bien hâte d’assister au lancement officiel, le 6 octobre prochain.

Non, ma jalouserie n’est pas littéraire. Elle n’est même pas culinaire. Non, je n’envie pas ces femmes capables de vous faire un Ceviche au shiso vert et aux pétales de souci en allaitant la p’tite dernière, ni même une tarte aux pommes à faire saliver un moine bouddhiste. Ma tarte au chocolat shirrif satisfait mon homme et ma fille, alors on est heureux comme ça.

Non, ma jalouserie est de nature, comment dire, plus basique. En fait, moi aussi je veux, depuis des années, éprouver la solidité de mon couple en vivant une épreuve quasi initiatique. Nah! Pas de baignade à moitié tout nu dans les eaux froides du Labrador pour nous! Ni même d’escalade du Mont Blanc en gougounes de plage. Non, je parle de la vraie épreuve, celle qui scelle la complicité d’un couple: les rénovations!

Je jalouse Martine et son doux qui ont refait pendant un an leur salle de bain, et pendant quelques mois leur sous-sol! Je suis verte à la pensée de la jolie Julie de chez Rona qui refait, bédaine par en avant, l’intérieur de sa modeste demeure! Voilà, c’est dit! Verte, je vous dis!

Enfin, jusqu’à hier.

Parce que depuis une heure, l’ouvrier pioche, coupe, scie, cloue, fait du bruit dans la salle familiale du sous-sol! Et si tout va bien, nous serons ce soir les heureux propriétaires d’un beau plancher qui remplace l’horrible tapis gris dont nous avions hérité avec l’achat de la maison.

Et notre couple? Mammouth travaille dans son bureau, 2 étages plus bas, et je suis à mon ordinateur, à la mezzanine. C’est du solide, notre affaire! Pas une seule engueulade depuis le début des travaux!

Je ne serai pas une maman cool…

Comme je suis encore en congé, j’en ai profité pour donner quelques heures de bénévolat à l’école que fréquente ma merveilleuse Merveille. Mardi dernier, jour de la photo « officielle », je me suis donc pointée, en compagnie d’autres mamans bénévoles, pour assurer le bon déroulement de la journée. Photographier 200 quelques enfants, le personnel enseignant, le personnel de soutien et le personnel du service de garde, c’est du sport, laissez-moi vous le dire. Tout ça en moins de 5 heures, faut le faire!

J’ai pu constater de visu ce que je constatais à travers ma fille: cette petite école de quartier est vraiment extraordinaire. De la directrice au prof d’éduc *il est beau, hein maman?*, en passant par les dames responsables de la cafétéria, tous ont la même préoccupation pour le bien-être des enfants et l’amour qu’ils leur portent se sent et se voit. C’est très rassurant pour une mère, ça.

Et puis, les enfants sont tellement beaux. Remuants – on voit tout de suite la différence entre les gars et les filles! mais mignons comme tout. Sauf qu’il va falloir qu’on m’explique une chose ou deux…

Évidemment, le jour de la photo, toutes les mamans doivent se préoccuper de quoi aura l’air junior(e). On sort donc le petit kit propre, on fait un effort pour peigner la tignasse rebelle, on s’assure que les dernières traces de pâte à dents soient disparues du coin de la lèvre. Le minimum quoi.

Or, j’ai vu des choses que je ne soupçonnais même pas. Je ne fais pas référence aux petits gars cravatés, c’est probablement chiant à porter, mais c’est ok. Je ne fais pas non plus référence aux jupettes presque trop courtes, personne ne pouvant deviner que la pose choisie exigeait de lever une jambe à un angle de 90 degrés. Je comprends que passé un certain âge (2 ans?), les goûts vestimentaux de notre progéniture s’affirment et qu’il est parfois difficile de les faire changer d’idée *Merveille, je regrette, mais un gilet mauve à fleurs avec un pantalon vert rayé, c’est très laid! Je sais, papa n’a rien dit, mais papa est daltonien! Et encore, papa t’as dit que le rayé et le fleuri, c’est peut-être tendance, mais pas ici!*

Non, ce qui m’a profondément troublée, ce sont les petites filles de 5e année, les mèches blondes fraîchement faites, les yeux charbonneux, les vêtements ajustés. Elles ont quoi, en 5e année? 10 ans? 11 ans? Et elles s’habillent comme des filles de 20 ans? Et les parents permettent ça? Parce que on s’entend, comme dit l’expression consacrée, que les mèches, faut que quelqu’un paye pour, hein? C’est pas 3 petites filles munies d’un kit acheté en pharmacie qui se font ça au sous-sol, non?

Je me souviens que peu après la naissance de Merveille, j’étais tombée sur un reportage d’Enjeux sur l’hypersexualisation des petites filles. J’avais fortement réagi à un segment ou on voyait une adolescente de 14 ans, habillée plus que légèrement, qui s’apprêtait à partir à une soirée organisée par l’école, et dont le père commentait en disant: « je sais, mais que voulez-vous qu’on fasse? Elle aime ça s’habiller comme ça ». Je m’étais mise à hurler en direction de la télé: « tu lui interdis de sortir comme ça! Et tu n’achètes pas de vêtements comme ça! C’est toi le père, simonac! ». Et du même souffle, j’avais averti Merveille, alors âgée de 4 mois, que chez-nous, le cache-couche bédaine était interdit!!!

Bref, je sens que je ne serai pas une mère cool… Y’a beaucoup de choses sur lesquelles je suis prête à négocier, mais pas là-dessus. Mais peut-être que je m’illusionne…

Une toute petite semaine

La notion de temps est bien élastique, selon l’âge qu’on a. À 5 ans, une semaine est une éternité. À 45, c’est aussi vite qu’un battement d’aile de colibri …

Une toute petite semaine aura suffit pour transformer mes filles. Bon, j’avoues que les rentrées scolaires sont en soi des passages déterminants. Mais jamais je n’imaginais qu’elles le seraient à ce point.

Merveilleuse merveille part chaque matin le sac au dos, boîte à lunch sous le bras, pour passer une journée pleine de découvertes et d’aventures. Elle adore l’école. Et cela semble avoir eu un effet  lénifiant sur son caractère. Pas une seule « crisette » depuis le début, ni à l’école, ni ici. Elle a pris un coup de maturité extraordinaire. Je ne suis pas naive au point de croire que tout est réglé, mais disons que je doute de plus en plus du diagnostique de la neuro-psy en juin dernier. Je demeure vigilente, mais je sens la pression qui s’atténue un peu.

La grande aussi a changé. Une toute petite semaine de secondaire a suffit à calmer ses angoisses sur ce passage délicat. Notre pré-ado encore un peu « fillette » est devenue une ado full chill, avec un sens de l’humour qui me fait craquer. C’est une véritable beauté naturelle, qui fera des ravages sans s’en rendre compte. J’ai dit à Mammouth que le trouble venait de commencer. Il m’a regardée et m’a rappellé que le bazouka n’attendait qu’une occasion pour mettre au pas le premier garçon qui oserait s’aventurer trop près de sa fille… Des heures de plaisir en perspective!

Au risque d’avoir l’air sans coeur, j’ai l’impression que depuis hier, notre vie a repris. La parenthèse de la maladie puis du décès d’Oyé s’est refermée doucement. Je n’oublies pas, et je sais qu’il restera une fragilité pour quelque temps. Mais d’avoir pris le temps hier de cuisiner en gang, de renouer avec notre traditionnel souper du dimanche soir avec tonton Marc, c’est la preuve que la vie continue et qu’elle est encore bien douce.

Sous le vent

C’était une belle cérémonie. Simple, empreinte de chaleur humaine, la plus grande église de la ville était remplie à craquer. Son fils et son petit-fils lui ont rendu un hommage plein d’amour, mais réaliste. J’ai toujours eu un problème majeur avec les gens qu’on « béatifie » une fois mort. Oyé avait son caractère, on pouvait argumenter virilement, et ça n’enlève en rien le fait qu’il était un homme bon. Pas un saint. Un homme bon, généreux mais cassant, comme plusieurs hommes de sa génération. Mais un homme qui a trouvé la force de s’ouvrir pendant sa maladie et de dire les vraies choses.

J’y ai revu des anciens voisins, des membres de ma famille que je ne croise pas souvent. C’est dommage qu’on ne se crée pas plus d’occasions de se voir dans des circonstances moins tristes qu’un décès. J’y ai aussi rencontré des gens dont j’avais entendu parler, et qui sont tout à fait sympatiques. Comme il l’avait souhaité, le repas qui a suivi a été agréable: les gens bien sûr ont pleuré, mais ils se sont aussi rappelé des souvenirs heureux de ce joueur de tours et de ce raconteur d’histoires à dormir debout. Et c’est très bien ainsi. La vie doit continuer.

J’ai expliqué à merveille que dorénavant, Oyé serait dans son coeur et qu’à chaque fois qu’elle s’ennuierait de lui, elle pourrait regarder la rose qui m’a été remise hier. Même si elle n’est pas de la famille, ses enfants avaient eu la gentillesse de mettre une rose au nom de ma fille avec celles de ses petits-enfants.

Ce matin, de retour à la maison, la routine a repris. En revenant de faire les courses avec merveilleuse merveille j’ai glissé un CD dans la voiture et j’ai pitonné au hasard. Dès les premières mesures, j’ai eu la chair de poule et les larmes se sont mises à couler. J’ai nettoyé mon chagrin sur ces mots:

Sous le vent

(…)

Et si tu crois que c’est fini
Jamais
C’est juste une pause, un répit
Après les dangers

Et si tu crois que je t’oublie
Écoute
Ouvre ton corps aux vents de la nuit
Ferme les yeux
Et

Fais comme si j’avais pris la mer
J’ai sorti la grand’voile
Et j’ai glissé sous le vent
Fais comme si je quittais la terre
J’ai trouvé mon étoile
Je l’ai suivie un instant
Sous le vent

Paroles et Musique: Jacques Veneruso

Oyé a toujours eu un bateau, et hier, après la cérémonie, un grand vent a balayé les nuages. C’était sa façon de nous dire au revoir…

La simplicité de l’enfance

Depuis le début de l’année scolaire, merveilleuse merveille est heureuse. Elle adore l’école, a pris un coup de maturité et fonctionne comme une grande. Toutes les difficultés rencontrées à la gardo se sont envolées, du moins pour l’instant. Elle était prête à passer à cette autre étape, je crois. Elle aime apprendre, elle est curieuse et d’être ainsi stimulée la nourrit. Pas de crises, elle se couche même plus tôt pour « être en forme »…

L’annonce du décès d’Oyé lui a bien sûr causé du chagrin. Depuis, le soir, elle lui envoie un bisou et un « je t’aime » avant de s’endormir. Une sorte de prière. Hier, nous avons eu une conversation à ce sujet.

« Maman, Oyé il est au ciel? Dans une grande maison? »

« Si on veut, oui. Le Paradis est comme une grande maison ».

« Elle doit être grande, la maison, maman. Il y a beaucoup de monde. Est-ce que j’irai un jour dans cette grande maison? »

« Oui, ma poulette. Mais pas tout de suite »

 » Toi aussi, maman? Et papa? Et Wiki?* »

 » Je ne sais pas pour Wiki, mais nous aussi. Mais pas tout de suite »

 » Maman… est-ce que grand-papa Charles est aussi dans la grande maison? »

 » Bien sûr, mon lapin. »

 » Maman… est-ce que grand-papa Charles savait que Oyé restait avec grand-maman? »

 » … » (repli stratégique de la couverture ici. On ne commentera pas sur la jalousie d’outre-tombe, non!)

 » Maman, qui va rester avec grand-maman, maintenant? »

 » Personne ma crevette, grand-maman est capable de rester toute seule ».

 » Demain matin, maman, je vais appeler parrain et lui dire qu’il doit aller demeurer avec grand-maman! Bonne nuit, maman. Je t’aime… »

 » Moi aussi je t’aime, mon poussinot »

Je pense que je devrais avertir mon frère que sa filleule est sur le point de lui ordonner de déménager avec sa mouman…

Parfois, j’aimerais que les choses soient aussi simples.

Merci à vous tous et toutes pour vos paroles réconfortantes. De savoir que des gens pensent à nous me fait du bien.

* Wiki est l’idiote sympathique de la famille, notre grosse labrador qu’un jour, je finirai bien par aimer…