Je m’étais pourtant promis de ne rien écrire à ce sujet. Dangeureux, provocateur et très « in » comme sujet de papier. Mais après avoir écouté hier soir la Commission Bouchard-Taylor dans un patelin tout près de chez-moi, j’ai beaucoup de difficulté à ne pas me laisser aller les doigts sur le clavier.
Je suis saguenéenne de naissance et jusqu’à tard dans l’adolescence, la sortie « obligée » à la messe dominicale a ponctué ma vie. J’étais d’ailleurs assez d’accord avec la remarque de Kevin Parent, ce dimanche à TLMP. Notre belle solidarité « virtuelle », si importante soit-elle, ne pourra jamais remplacer la solidarité du parvis de l’église. Mais ceci est un autre débat. J’ai donc été élevée dans une société plus qu’homogène, blanche, francophone, catholique. J’ai par contre eu une chance inestimable d’être née au sein d’une famille ouverte aux autres, accueillante et sans préjugés. J’ai fait mes études à Québec. J’y ai cotôyé des gens de différentes nationalités, et la couleur de la peau ou les principes religieux des uns et des autres ne m’ont jamais hérissée.
J’ai ensuite travaillé dans des ministères à caractère humain – d’abord à la sécurité du revenu, puis, au fédéral, à l’Immigration. J’y ai vu du meilleur et du pire, sans égard à la race ou au statut social. Bien sûr, j’ai parfois dû faire des efforts pour comprendre: il n’est pas évident pour moi de me faire refuser un rendez-vous sous prétexte que je suis une femme. Ai-je été offusquée? Parfois, mais pas au point d’en faire un drame. Et puis, je pourrais vous nommer quelques misogynes aux noms bien québécois, qui traitent les femmes comme des sous-fifres…
C’est pourquoi tout le débat sur les accommodements raisonnables me laisse perplexe. Je n’arrive pas à m’insurger contre le port du voile – j’ai vu dans le métro l’autre jour une jeune fille diablement sexy, bien que voilée. Un voile fushia, assorti à un pantalon fuseau de la même couleur, porté avec un long chandail blanc. Et une profusion de bijoux dorés… Pas un bout de peau ne dépassait, pas une once de maquillage sur les yeux ou les lèvres. Mais à mes yeux, cette jeune beauté éclipsait en sensualité et en sex-appeal toutes les émules de Britney-bédaine-Spears.
Je sais, vous me direz que pour une jeune beauté des milles et une nuits, y’en a des millions qui sont voilées « drabes » et qui sont forcées à porter le voile pour des raisons religieuses, ou en signe d’asservissement à l’homme. Peut-être. Mais avant de porter un jugement d’occidental sur ces femmes voilées, je vous invite à lire l’excellent papier de Rima Elkouri dans la Presse d’hier.
Je ne me ferme pas les yeux non plus sur le sort des femmes afghannes, ou pakistanaises. Mais ce n’est pas en ayant peur de l’« autre » ici que nous ferons avancer la cause des femmes dans le monde. Je ne suis pas d’accord avec ceux et celles qui pensent que la commission soit une perte de temps.
Je crois au contraire que nous avons besoin de cette thérapie collective, quand j’entends les énormités que j’y ai entendu depuis le début. Une fois que nous aurons ouvert notre jeu, une fois que nous aurons exposé toutes nos peurs, fondées ou non, nous pourrons regarder en avant.
Parce que j’y ai aussi entendu des choses formidables: des gens qui défendent le droit à la différence, tout en souhaitant que nous ayions des valeurs communes. Un homme, entre autres, qui a fait une différence fondamentale entre le port du kirpan et celui du voile: le kirpan heurte nos valeurs de paix, parce que c’est une arme. Le voile heurte nos valeurs d’égalité, mais qui sommes-nous pour juger ce qui se passe dans la tête des femmes qui acceptent de le porter? Pourtant, ce sont là deux symboles religieux. Et puis ce jeune homme hier venu poser une question fondamentale: si nous avons si peur des « accomodements raisonnables », peut-être est-ce parce que nous ne sommes plus capables de défendre nous-mêmes notre langue, notre culture et nos valeurs? Et si notre insécurité collective se camouflait derrière cette peur de l’étranger?
Et si c’était cela, la vraie question?