Nous sommes tous responsables. Nous sommes tous coupables.

Depuis des jours, je me retiens. Pas envie de faire partie des gérants d’estrade qui, mieux que tout le monde, règleraient la crise en deux coups de cuillères à pot. Mais devant la démission de Line Beauchamps, j’ai plus envie de me taire. Et tant pis pour ceux qui se sentiront écorchés.

Une précision, d’abord: oui, j’ai été membre du PLQ. Je ne le suis plus depuis 20 ans. Oui, j’ai voté libéral, parce que je n’ai jamais cru dans ce « Québec aux Québécois » limite xénophobe. Je ne fais plus de politique active depuis 10 ans, mais je n’en pense pas moins. Et d’avoir été une militante libérale ne me prive en rien de critiquer ce gouvernement, et n’a pas non plus fait de moi une décérébrée.

Nous sommes tous responsables, et nous sommes tous coupables de cette crise qui n’en finit plus. Le débat a été récupéré par tous ceux et celles qui sont contre le gouvernement, et qui utilisent ces jeunes et leur cause comme porte-étendard de leur colère. On les trouve « cutes », articulés, on admire leur guts. On les a encouragé à marcher, à contester le gouvernement. Ben vous savez quoi? Je trouve ça lâche. Quand une grande marche a été organisée contre la corruption, l’automne passé, vous étiez où? On se pète les bretelles avec nos valeurs démocratiques, mais quand vient le temps de voter, qui est le geste démocratique ultime, on est moins de 60% à le faire. Cynisme? Non. Lâcheté. On laisse aux autres le soin de décider pour soi,  et de se battre pour soi, mais calvaire qu’on se fait aller les babines sur les réseaux sociaux, derrière l’anonymat de nos écrans.

On a piégé les étudiants. On a déposé sur leurs épaules le fardeau de notre immobilisme, en leur tapant dans le dos pour qu’ils fassent sauter un gouvernement passé date. Et eux, investis d’une « mission », durcissent leurs positions. Une fois la poussière retombée, que restera-t-il? Un gâchis, des sessions perdues. Et à la clé, une élection aux résultats rien de moins certains.

J’enrage. Oui, j’enrage. Contre ce gouvernement qui n’a pas géré la crise comme elle aurait dû l’être. Contre tous ceux et celles qui feraient tellement mieux que les acteurs en présence, mais qui sont bien assis sur leurs derrières. Contre les poignées d’étudiants qui empêchent une majorité d’étudiants de continuer et de terminer leurs études. On s’en va où comme société si une minorité dicte la loi pour la majorité?

J’enrage. Pour un peu, moi aussi je tirerais des roches. À tout le monde.

Un dernier mot: pour avoir cotôyé de près des politiciens, jamais je n’accepterai qu’on les traite comme des moins que rien. Peu importe la couleur, peu importe le parti. Et quand je lis certains tweets, certains statuts FB ou certains commentaires sur les blogues des grands médias, j’ai envie de répondre que personne ne ferait les journées de ces gens. Personne. Vous voulez chialer? Mettez votre photo sur un poteau et sollicitez le vote populaire. Sinon, taisez-vous!

Je lève mon chapeau à Line Beauchamps, qui a pris la seule décision qu’elle pouvait prendre. J’en aurais fait autant si elle s’était appelé Pauline Marois ou Sylvie Roy. Et tant pis si vous ne me croyez pas. Pour certains d’entre vous, je serai toujours une maudite libérale. Ben vous savez quoi? So be it, stie!

 

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Taisez-vous!

Je n’y comprenais plus rien. Ce matin, j’ai juste envie de dire, à tous ceux qui de près ou de loin sont des acteurs du drame qui se jouent : « Taisez-vous! ».

Mais c’est Jean Barbe qui m’a enlevé les mots du clavier. À lire, absoluement. Parce qu’une fois qu’on pleurera un mort, ou qu’on pleurera la mort du monde tel qu’on le connait, il sera trop tard.

Merveilleuse merveille, ce matin, je n’ai pas envie de t’expliquer pourquoi. J’ai pas envie que tu vois les images. J’en ai marre du verbiage, de l’enflure verbale, des « ça me fait vomir » et autres images scatalogiques employés par les commentateurs de tout acabit. Marre des gérants d’estrade, marre des langues de bois. Marre de la politique politicienne que tous et chacun, de Charest à Marois à Legault à Khadir. Marre.

J’ai envie de silence. 24 heures. Que les esprits se calment.

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Je ne comprends plus. Je ne comprends pas.

Vous me connaissez, je ne parle jamais politique. Ou si peu. Mais ce soir, je ne comprends plus, j’ai besoin de m’expliquer ce qui se passe.

Jusqu’à cette semaine, j’aurais fait partie des « sondés » qui se rangeaient du côté du gouvernement dans le dossier de la hausse. Pas totalement en accord avec la manière, mais tout à fait sur le principe. Cette hausse, elle est plus que due. Et si vous voulez mon avis (et même si vous ne le voulez pas!), le même principe devrait s’appliquer aux garderies. On ne peut continuer à revendiquer le beurre, l’argent du beurre, la vache, la crémière et le cul de la crémière.

D’être pour la hausse ne fait pas de moi une méchante réac de droite. Ne m’empêche pas de penser que le problème de sous-financement des universités n’est pas  la responsabilité des étudiants. Que la gestion de ces dernières doit être revue, de fond en comble, pour dégager des marges de manoeuvre qui permettront, justement, d’améliorer la qualité de l’enseignement et de la recherche, et ultimement, de renverser la portion prêt vers des bourses dans le fameux régime du même nom.

Ça ne m’empêche pas non plus de penser que le gouvernement aurait pu gérer autrement, même si j’admets que le discours de la CLASSE m’irrite profondément. Parler de guerre civile, il y a 4 semaines, était un peu disproportionné. Mais bon, je me suis rappelé qu’un jour, il y a longtemps, j’ai aussi eu 20 ans, j’ai fait la grève, et j’ai probablement tenu des propos tout aussi irritants.

Je vois, dans ces jeunes qui se battent pour un idéal, mes enfants. Et de voir des étudiants en sang m’est insupportable. Je ne veux pas tomber dans l’angélisme, ni dans le sensationnalisme. Mais ces images parlent. Fort.

Depuis le début de la semaine, je ne comprends plus. D’ou vient ce dérapage? Je sais, vous allez me dire que l’intransigeance de madame Beauchamps y fait pour beaucoup. Que le mépris, réel ou ressenti, du gouvernement à l’égard des étudiants ne pouvaient mener qu’à ce qu’on voit depuis 2 jours: des saccages, des policiers qui outrepassent leur mandat, des gestes disgracieux, de la violence.

Je ne comprends pas. Au-delà de ce qu’on peut penser de la hausse, le débat n’est plus là. Le débat s’est déplacé sur ce qui nous a mené là. Je travaille au centre-ville, et les images de ma ville, pleine de policiers anti-manifestants, de casseurs professionnels, jour après jour, me hantent .Et le débat est maintenant sur les cicatrices que cette crise laissera. Quand la poussière sera retombée, il faudra faire le départage des responsabilités. Maintenant, ce n’est pas le temps.

Et, comme plusieurs, je condamne les propos du premier ministre. J’aurais aimé voir Jean Charest s’élever au-dessus du débat. Ce n’est pas désavouer sa ministre que de se poser en homme d’état, qui voit les choses dégénérer et qui a l’autorité morale de mettre un terme à ce gâchis.

Je ne sais pas quoi répondre à Merveilleuse merveille quand elle me demande pourquoi. Je ne sais plus si je veux participer, ce dimanche, au rassemblement du Jour de la Terre. Je l’avoue, j’ai peur. Peur d’être dans une foule qui ne pourra plus se contrôler. Peur que ma volonté de démontrer à ma fille qu’on peut, collectivement, se tenir debout et dire qu’on veut leur léguer une terre en bonne santé, soit contrecarrée par des images de violence.

Je ne comprends pas. J’ai pas envie de blâmer, mais j’ai besoin de comprendre.

 

 

 

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Ma vie c’est la mar**

Ça aura été la chanson thème de la semaine dernière pour bien du monde. Et pourtant, une fois le choc passé, pas le choix de se retrousser les manches et de foncer.

Pour célébrer mon anniversaire, j’avais fait promettre à Mammouth de ne pas m’organiser un surprise. Il a tenu parole. Je savais quand et presque qui serait à la petite fête d’hier. Et ça été une soirée fort agréable, pleine de rires, d’amour, de bonne bouffe et de bwésson. Oui oui, de la bwésson! Une soirée de toutes les générations confondues, d’enfants, de parents et de grands-parents.

Tout d’abord, Fait-chier Frèrot *nanon, ne vous offusquez pas, c’est lui-même qui m’a suggéré l’appellation!*, Beautiful Belle-soeur *elle est tellement belle que si elle n’était pas si gentille, on pourrait lui en vouloir d’être belle de même, tsé!* et Fabuleux filleul sont arrivés en fin d’après-midi. Fabuleux filleul est un grand garçon maintenant: 3 mois, 18 livres et des joues parfaites pour se bourrer la face d’amour. De grands yeux qui observent tout, mais un air sérieux, prêt à nous faire des déclarations importantes, disait mon amie Sophie.

Ensuite, la surprise de la soirée: ma mère, qui s’était plaint toute la semaine de ne pas avoir été invitée… j’peux ben être menteuse, j’ai de qui r’tenir, hein! Puis ma belle famille, puis des amis chers, certains de plus de 30 ans d’amitié, d’autres plus récents.

D’avoir vécu une semaine particulièrement dure émotivement me fait apprécier encore plus, si c’est possible, ce qui est vraiment essentiel: aimer et être aimée en retour. Et avoir des gens près de soi sur qui on peut compter, peu importe.

Aujourd’hui, c’est Pâque. Au-delà de la symbolique religieuse, c’est la renaissance, le début d’un temps nouveau. On va se bourrer de chocolat, question de se donner de l’énergie. Et repartir vers les 50 prochaines années. Parce que j’ai bien l’intention de me rendre à 100 ans!

 

 

 

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L’avion, le parachute et l’atterrissage

Un texte magnifique, de mon amie Sophie. Qui a, encore une fois, les mots pour exprimer ce qu’on ressent. Sauf que moi, je suis restée dans l’avion.

Et l’atterrissage est difficile. La piste est cahoteuse, et le bout arrive vite. La peur de ne pas freiner à temps, de rentrer dans le mur me terrifie. Et même en respirant fort, en redressant les épaules, en secouant la tête, reste que c’est le goût des larmes qui m’a tenue éveillée cette nuit et qui a accompagné ma journée aujourd’hui.

Bien sûr, tout passe. Bien sûr, l’avion s’arrêtera à temps, on en descendra et, content de la destination, on défera nos bagages et on s’installera dans notre nouvelle vie. Tranquillement. Sereinement.

N’empêche. J’envie ceux qui, même le ventre noué par la peur, ouvrent maintenant leurs parachutes. Moi, je suis restée dans l’avion et j’ai peur.

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C’est quoi, être vieille?

… c’est trouver que les étudiants charrient, mais en même temps admirer leur guts. C’est se dire que peu importe ce qui arrive cette semaine, il faudra le voir comme une opportunité et non pas une claque du destin. C’est regarder un vidéo pour y voir sa gang de il y a 30 ans et trouver que même si les gars ont moins de cheveux et que ceux qui restent sont gris, ils sont encore ben beaux et ben cool. C’est regarder la fille de 20 ans de sa grande amie, et se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, tu l’as bercée pendant des heures et des heures.

C’est mesurer le chemin parcouru, et trouver que finalement, 50 ans, c’est ben ben jeune parce qu’il reste tellement de choses à faire, à voir, à dire et à aimer.

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C’est ma vie, c’est ma vie, je n’y peux rien, c’est elle qui m’a choisi

Semaine mouvementée, pleine d’émotions contradictoires. Et ce matin, alors que derrière moi, Merveilleuse merveille et Ado jouent aux échecs, j’ai besoin de faire le point. En cette dernière journée du mois de mars, café fumant près de moi, et alors que le soleil cherche timidement à percer à travers les nuages. Tout à fait à l’image de cette semaine, finalement.

Jeudi, à la blague, je me suis demandée ce qui fesserait le plus fort: le budget ou la cinquantaine? Un et l’autre, je peux dire ce matin. Mais pas dans le sens attendu. Sans surprise, le budget nous a confirmé ce que nous anticipions, soit une coupure dans les dépenses de l’état. Comment cela se traduira-t-il? Le bon côté des choses, même si je sais que ce sera dur, c’est que le temps d’attente achève. Les spéculations, l’anticipation, l’angoisse prendront fin la semaine prochaine, et nous pourrons enfin nous mettre en action. Ce ne sera pas facile, et j’ignore ce qu’il adviendra de moi. Mais après des mois à ne pas savoir, à espérer le mieux tout en anticipant le pire, le fait de savoir enfin nous permettra d’avancer. Pour l’instant, nous avons tous l’air du chevreuil terrorisé dans la lumière des phares.

La cinquantaine? C’est un chiffre. Ou un état d’esprit. Hier, j’ai été renversée par l’affection et la gentillesse de mon entourage. Et d’un entourage large: mes collègues directeurs des bureaux d’affaires m’ont tous envoyé un petit mot – certains mêmes avec mon abonnement à la FADOQ! – ma gang m’a fait une petite fête surprise avec gâteau, chandelles (bon j’admets, le gros 50 sur le gâteau m’a un peu dérangée) et carte remplie de mots gentils, Mammouth et les enfants m’ont gâtée en attendant le souper au resto de ce soir, mon Facebook débordait de mots gentils et le téléphone n’a pas dérougi de la journée.

Ça m’a un peu surpris. Je pense que je réalise mal à quel point je suis appréciée. Et juste de l’écrire, je me sens un peu prétentieuse. Un mot en particulier m’a touchée et je me permets de le reproduire:

 » Oooooooooooh! Une chance que je suis venue ce soir….moi qui apprécie tellement tes messages! Bonne fête très chère Marie-Josée…toi qui serais demeurée une inconnue sans FAcebook et nos nombreuses amies communes. tu ensolleilles presque toutes mes journées par tes liens, tes commentaires….Je te souhaite d’avoir quelqu’un qui, comme tu le fais pour moi, parfume tes journées de sourires fugaces et de petits bonheurs! »

Ce mot vient d’une femme qui a plus que sa part de malheurs, que je n’ai jamais vue, qui n’est qu’une connaissance virtuelle. Et pourtant, et sans le savoir, je compte un peu pour elle. Quand on parle du pouvoir d’internet… celui de détruire, mais également celui de faire du bien, de guérir, d’apaiser.

En cette nouvelle décennie qui commence pour moi, je me souhaite de ne jamais perdre de vue que ma vie, c’est ma vie. J’ai eu la chance de piger un numéro chanceux à la naissance: une bonne famille, de bonnes valeurs. Mais j’ai maintenant l’envie de me donner le crédit de ce que j’en ai fait, avec les choix, bons ou mauvais, et d’assumer que je récolte maintenant ce que j’ai semé, volontairement ou non.

Merci à vous, fidèles lecteurs. Depuis bientôt  6 ans, vous m’accompagnez malgré mon manque de constance. Je n’écris pas pour être lue, mais de savoir que vous le faites, ça me fait chaud au coeur!

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Faudrait pas penser

… que je boude parce que l’échéance approche. Ou que je n’écris rien à force de me retenir de ne pas commenter l’actualité (les grèves étudiantes, l’affaire Turcotte, les budgets, les pannes de métro/train, etc, etc, etc.). Je n’écris pas, mais vous vous doutez bien que je n’en pense pas moins!

Non, si je n’écris rien, c’est que mars, c’est la fin de l’année financière. Exceptionnellement difficile, cette année. Le climat d’incertitude qui règne parmi les troupes, les fermetures sauvages d’entreprises à Montréal, les clients qu’il faut presque supplier à genoux pour qu’ils produisent leurs réclamations, bref, y’a rien qui coule de source. Même plus les érables, avec cette température estivale.

Me suis quand même taper un petit plaisir aujourd’hui. Suis allée faire une visite en entreprise. Ça, ça me « regrounde » toujours sur le sens de mon travail. La vraie raison pour laquelle je peux endurer tout le reste.

Et puis, minette a enfin accouché. 6 petits minous, mignons comme tout. Qui ont déjà presque tous trouvé une famille aimante. Bref, la vie continue. Malgré tout.

 

 

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Le dernier droit

Ça y est. Dans moins de 26 jours, j’y serai.

Pourtant, j’étais zen. Après tout, ce n’est qu’un chiffre. L’important, c’est comment on se sent dans son corps, non? Et dans sa tête, hein? L’idée même de souligner, avec les gens que j’aime, cet anniversaire charnière me séduisait. Ben oui, faisons un gros party, invitons les amis, fêtons, célébrons! Après tout, ça se mérite, le demi-siècle.

Pourtant, j’étais zen. Bon, disons que cette année, les conditions gagnantes ne sont pas tout à fait réunies. L’incertitude au travail n’aide pas. La fatigue aussi, avec ce drôle d’hiver qui n’en finit pas de ne pas savoir s’il fait froid, chaud, tiède, neige, pluie.

Pourtant, j’étais zen. Jusqu’à une discussion avec ma mère qui m’a avoué ne plus dire l’âge de son ainée (moi) parce que ça la vieillit trop!

Le temps de verbe, ici, est important. J’étais. Je ne le suis plus. Plus du tout. Les cheveux blancs, les pattes d’oie, les articulations récalcitrantes, les symptômes de la pré-ménopause… arggggg! Je ne veux plus. Je ne veux pas! Rien! Pas de party, pas un mot, pas une seule allusion. Rien. Rien du tout! Forever 49! Compris????? F.O.R.E.V.E.R. 49. Point à la ligne.

…..

Ce moment de panique était une gracieuseté de mon calendrier qui m’a rappelé que je venais d’entamer le dernier droit.

Mammouth, si tu me lis, pas nécessaire de tout canceler… j’ai le temps de changer d’idée 🙂

 

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Clash de valeurs ou de générations?

Être quinquagénaire, c’est se rappeler qu’on a été élevée avec des valeurs fondamentales: l’honnêteté, l’intégrité, la reconnaissance et le don de soi. Et essayer de mettre ces valeurs en pratique tous les jours, même quand c’est difficile, même quand on a l’impression d’être la seule à les pratiquer.

Le soir, j’arrête toujours au dépanneur de la gare du train du retour. Tenu par deux frères, européens, d’un certain âge pour ne pas dire d’un âge certain. Depuis le temps, on a développé nos petites habitudes: quelques fois, je leur demande de me vendre le billet gagnant du 6/49, en leur promettant un voyage dans le Sud si jamais je gagne le gros lot. À chaque fois, quand je vérifie si la chance m’a enfin choisie, je leur fais la même remarque qu’en fait de Sud, c’est Longueuil qui nous attend s’ils ne font pas un effort. Quand je sors plus tôt, ou plus tard, ils commentent sur le fait que ce ne sont pas des horaires pour une maman. En hiver, leur kiosque est au milieu des grands vents glaciaux. En été, ils s’épongent au soleil qui plombent dans leur dos. Mais hiver comme été, ils sont souriants, gentils, attentionnés.

En début de semaine, arrivée à la dernière minute, j’arrête chercher un paquet de mouchoirs, tend un 20$ et reprend la monnaie que le plus âgé des deux me redonne et je m’engouffre dans le train. Ce n’est que rendue à la maison que j’ai réalisé qu’il m’avait redonné 5$ en trop.

J’aurais pu ne rien dire. J’en étais bien incapable. À eux deux, ils ne doivent pas gagner le tiers de mon salaire. Et ils le gagnent dans des conditions que je ne supporterais pas. Vous me direz que 5$, ce n’est rien, mais quand on gagne sa pitance dans de pareilles conditions, ce n’est pas rien.

Hier, comme j’étais en avance, j’ai tendu le 5$ en lui disant que si sa caisse ne balançait pas depuis mardi, c’était parce qu’il m’avait remis trop d’argent. Il m’a regardé, yeux grands grands grands, et a pris l’argent. Puis, il a crié à son frère, qui était un peu plus loin, de venir ici. Dans une langue que je ne comprends pas, il lui a dit quelques mot. Alors le plus âgé des deux s’est approché de moi, a pris ma main et y a déposé un baiser. En me disant que lui et son frère étaient touchés par mon honnêteté, et qu’ils aimeraient bien que j’accepte une barre de chocolat…

Je me suis questionnée tout le long du trajet du retour. Touchés par mon honnêteté? Est-ce à ce point rare? J’aurais fait la même chose à l’épicerie. Bien sûr, mon Provigo n’est en rien comparable à ce petit dépanneur, mais c’est souvent la caissière qui verra son chèque de paye amputé du montant manquant dans sa caisse à la fin de la journée. Pourquoi je la pénaliserais? Et si c’était moi? J’aimerais bien qu’on me remette l’argent manquant. Le montant importe peu, c’est le principe qui compte.

J’ai raconté l’anecdote à Merveilleuse merveille ce matin. Qui m’a dit qu’elle, elle aurait gardé l’argent. Ai-je manqué à ce point son éducation? Je lui ai expliqué pourquoi j’avais agi ainsi, et que je souhaitais qu’elle réfléchisse, elle aussi, à comment elle réagirait si c’était elle à qui il manquait de l’argent. Elle m’a regardé, puis m’a dit… « ben là, 5$, maman, c’est rien! »

Ont-ils donc si peu la notion de l’argent? Les a-t-on trop gâtés? Je me questionne. Mais je n’ai pas de réponse. Ça me chicote. Est-ce une divergence de valeurs, ou simplement un choc des générations? J’ai lu, je ne sais plus ou, qu’ils ne faut jamais oublier que nos enfants rois seront demain ceux qui prendront soin de nous quand nous serons vieux. J’avoue: ça me fait peur.

 

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