J’étais partie ce matin dans l’intention de vous écrire, public en délire et lectorat fidèle, un petit texte léger, rigolo, amusant. Tiens, je vous aurais raconté comment, une fois, j’ai crû pendant 4 minutes que j’avais un cancer de la prostate! Si, vous avez bien lu, de la prostate! Non, inutile de me copier 2307 liens envers des manuels d’anatomie, je sais que je n’ai pas de prostate! Mais, en écoutant le Doc Lapointe, j’ai coché tous les symtômes… Alors, de là à conclure, dans ma proverbiale hypocondrie, que j’étais atteinte, il y a un pas que j’ai franchi allègrement…
Et puis, le boulot a bouffé plus de temps que je ne pensais ce matin. Qu’à cela ne tienne, j’écrirai sur mon heure de lunch. Or, le mercredi est jour de pesée, pour moi. Mais il faisait bof, un petit crachin tout fin, et soudainement, l’idée de marcher de mon bureau jusque chez WW me tentait moins. Et puis, j’avais été retenue au téléphone, je serais à la course et so what, je pouvais y aller demain. J’ai donc décidé d’aller d’abord chercher mon repas, et de revenir écrire en toute tranquilité.
En revenant à mon bureau, à 13h15, j’ai vu mon adjointe en larmes devant mon téléviseur ouvert… Ca m’a pris quelques minutes à comprendre. J’ai sauté sur le téléphone pour appeler Mammouth, et réalisant qu’il ne répondait pas à la maison, j’ai essayé frénétiquement le cellulaire. Il a souvent affaire au centre-ville de Montréal, était-il prêt du Collège Dawson? Vous ai-je dit que non seulement je suis hypocondriaque, mais que j’ai le scénario d’horreur facile? J’ai vu les policiers entrer dans mon bureau et me dire que mammouth avait été atteint d’une balle folle, blablabla… Non, rien de tout ça n’est arrivé, mais j’en tremblais presque à l’imaginer.
Je peux sans aucune difficulté me mettre dans la peau des parents qui ont des enfants fréquentant ce collège. L’angoisse, la peur, celle qui tord les entrailles. Et j’ai une tristesse infinie quand je pense à tous ces étudiants qui ont assisté à cet événement. On se sent tellement invicible à 17 ans… Dur retour à la réalité de voir que Colombine, c’est aussi Montréal. Que Polytechnique n’est plus un événement isolé, pour eux qui étaient des bambins en 89…
Tout comme après Polytechnique, Concordia, le 11 septembre, Colombine, la tragique prise d’enfants en otage de Beslan, c’est la perte de l’innocence qui me tue. Celle qui fait qu’on prend les transports en commun l’esprit en paix. Qu’on va à l’école en se croyant en sécurité. Qu’on envoie ses enfants à l’école en les croyant en sécurité.
D’autres plus qualifiés que moi analyseront le comment, le pourquoi. Je sais seulement que ce soir, j’ai embrassé ma merveilleuse merveille en nous souhaitant qu’à quelque part, l’horreur nous épargne. Et en remerciant encore une fois ma bonne étoile: ma pesée, celle que j’ai décidé de manquer, est à un coin de rue de la fusillade…