A 44 ans,je me donne le droit de dire tout haut ce que je me dis tout bas depuis des années. Sérieusement, qu’avons-nous gagné à travers nos batailles féministes? Le droit d’en faire plus? Le droit de se battre pour prouver que nous sommes égales aux hommes? Le droit de toujours prouver que nous sommes à la bonne place ailleurs que dans nos chaumières?
Je pense depuis longtemps que nous nous sommes piégées nous-mêmes, et que nous faisons la partie belle à ces messieurs. J’ai pas envie de jeter la pierre à nos hommes qui, malgré leurs qualités, ont vite compris que c’était dans leur intérêt. Plus besoin d’être galant (tu veux l’ouvrir, ta porte? Ben ouvre-là!) plus besoin d’avoir le gros salaire ( le « double income » c’est ben pratique), même plus besoin d’être responsable de notre plaisir (et vive Georges!). Avons-nous abaissé nos attentes face à eux? Bien sûr, farcies que nous avons été du discours des féministes qui nous ont précédées et qui nous ont rabattu les oreilles avec les faits qu’il ne fallait s’attendre à rien des « maudizommes ».
Et nous avons pris le sort du monde sur nos épaules, pendant que les gars continuaient d’être des gars. Mêlés, peut-être, face à nos attentes exigentes et changeantes. Mais des gars pareils. Le partage des tâches? Un peu. Les enfants? Pour certains, dont Mammouth, tout à fait. Mais ils sont une infime minorité à vraiment s’investir dans leurs enfants, et les « fathers-for-justice! » de ce monde ne m’émeuvent pas.
Et nous continuons à essayer de faire reculer les limites. Mais les limites de quoi, dieu du Ciel? Nos propres limites? On veut être belles, fines, désirables et jeunes même à 50 ans. On veut être la maman ET la putain. On veut avoir de belles jobs, ne jamais rater un rendez-vous professionnel, même quand merveille a la fièvre et que c’est pleine de culpabilité de mère-ayant-abandonné-son-enfant qu’on s’y pointe. Et on veut surtout pouvoir continuer à chialer après les maudizommes parce qu’ils ne sont pas à la hauteur. Mais à la hauteur de quoi? De qui?
J’ai longtemps travaillé dans un milieu traditionnellement mâle et macho. Pourtant, je n’ai jamais joué le rôle de la midinette (soyons honnête, j’ai jamais eu le physique de l’emploi), ni celui de la femme forte. J’ai essayé d’être moi, juste moi, seulement moi. Oui, ça m’a fait ch*** royalement de réaliser que des collègues moins scolarisés que moi gagnaient 2 fois mon salaire pour la même expérience de travail. Oui, ça m’a fait ch*** royalement de me faire refuser une augmentation parce que mon salaire était soi-disant un « salaire d’appoint » (à qui, par exemple, on me l’a jamais dit. Considérant que j’étais célibataire, devais-je en conclure que mon salaire était un salaire d’appoint à la société???). Mais j’ai aussi réalisé que mon pire problème n’était pas la gang de machos qui m’entourait, mais moi-même qui acceptait de travailler plus fort, sous prétexte de « leur » montrer.
Et que les féministres, les pures et dures, ne me crient pas de noms! Oui, je reconnais que de dures batailles ont été livrées et gagnées. Oui, merci pour le droit à l’avortement et les quelques plafonds de verre que vous avez réussi à soulever. Oui, grâce à vous, à vos mères, je peux voter et j’ai pu choisir ma profession. Mais à cause de vous, à cause de cet héritage, je n’ai plus le droit au repos de la guerrière? Doit-on refaire inlassablement le débat entre les femmes au travail et les femmes au foyer (comme si choisir de rester à la maison n’était pas un travail…soupir…).
J’espère juste que je pourrai inculquer à ma merveilleuse merveille que d’être une femme, c’est pas être une battante à tout prix, et qu’au fond, la seule bataille qui en vaut la peine, c’est celle de rester parfaitement intègre face à soi-même.